DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

LE SYMBOLE DANS LA POÉSIE DE VERHAEREN 451
Son port est innombrable et sinistre de croix,
Vergues transversales barrant les grands mâts droits (14).
La présence du mot « sinistre » influe évidemment sur le
sens de « croix )). Mais, inversement, c'est surtout le substantif
qui justifie l'emploi du qualificatif d'ailleurs superflu; alors
que dans Le Sonneur (cette sorte de parabole), c'est l'ensemble
du poème qui détermine le symbole. La croix a par conséquent
sa propre valeur intrinsèque, qui est affective.
Ce qui, à l'origine, figurait la religion acquiert, en
résumé, une nuance péjorative qui finit par supplanter totalement
le sens primitif et non sentimental du symbole. Le vrai
est qu'il existe, entre le symbolisant et le symbolisé, une interaction
constante capable de modifier chacun d'eux: c'est ainsi
que les croix, chapelles, églises, etc., signifieront tour à tour la
misère, la peur, la mort, l'inanition, l'angoisse, l'inquiétude
et la désolation.
Symbole de mort aussi que tout ce qui ronge, mord et
grignote:
La vieille au mantelet de cotonnade,
Taupes, souris, mulots et rats
Trottent et radotent après ses pas (:US).
On devine que la vieille dame, « à l'âme d'entêtement et de
mélancolie )), n'a plus qu'à fuir, à pas menus, devant la mort;
et que les rats qui la talonnent guettent assidûment l'instant
où, terrassée, ils pourront parcourir son cadavre, rogner ses
vêtements, comme ils feraient d'un sac de grain enfoui quelque
part dans le fond poussiéreux d'un grenier. Car tout est pourriture,
dans les campagnes: tout est la proie des rats; tout est
voué à une mort honteuse et lente:
Les rats,
Ils· ont rongé les auréoles bénévoles,
Les jointes mains
De la croya-nce a-axlendemains el) ...
e l 4-) Le port (Villes tentaculaires).
CU) La Vieille (Villages illusoires).
CU) Sixième Chanson de Fou dans les Campagnes hallucinées.