DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

314 E. NOULET
penseur et celle de l'écrivain et comme préparant je ne sais
quelle synthèse. Ainsi, ce passage, précédé des mots : Ego
Scriptor:
Il est dans ma nature de mettre aux productions de l'esprit des
conditions d'existence assez dures, c'est-à-dire d'opposer à toute
formation de cet ordre l'ensemble des possibilités de modification
et de transformation ou de variation qui définissent l'esprit même.
Je réponds spontanément à ce qui se propose par l'essai de changements
que je pourrais y apporter. Et ceci est le fond de mes opinions
sur les lettres, l 'histoire, la philosophie, etc. (p. 600)
et cet autre dans lequel il trace le chemin qui, pour lui, va
de l'idée d'un contenu à celle d'une forme « sacrifiant toujours
cela à ceci))
... Ecrire (au sens littéraire) prend toujours pour moi le sens de
construction d'un calcul. C'est dire que je rapporte l'immédiat, soit
à l'idée de problème, soit à celle de solution; que je reconnais le
domaine propre de la littérature - ou mode de travail opératoire et
combinatoire qui devient conscient et tend à dominer et à s'organiser
sur ce type; que je distingue donc très fortement le donné du
possible par travail; que ce travail se résout en transformations;
que je subordonne (d'autant plus que je suis plus proche de mon
meilleur état) « le continu» à la « forme». (p. 617)
et celui-ci, marqué du sigle e où l'on ne manquera pas de
souligner l'accent personnel :
Toute vie se dépense seulement à lutter ou à ruser contre les
valeurs désagréables ou détestables de notre sensibilité, (la partie
répulsion de cette gamme); tantôt en agissant directement contre
les causes, tantôt en les fixant et en les relativant; tantôt en fuyant,
jusque dans le sommeil, jusque dans la mort.
Et nous ne pouvons rien faire d'autre. De sorte que la vertu ellemême
n'est qu'une énergie de défense contre quelque mal ou
quelque souffrance que nous ressentons. (p. 600)
La pensée qui est, à son dire, « la négation du détail et du
retard)) (p. 604) apparaît donc comme le seul correctif au
chaos d'erreurs dont nous vivons et où nous plongent et nous
maintiennent les confusions de notre raisonnement même.
Néanmoins quelle défiance à l'égard de cet esprit qu'il tente
indéfiniment de sonder:
La sottise des arguments qui passent par l'esprit dans ses moments
d'attente et d'agitation est extraordinaire. (p. 627)
Pour suivre Valéry dans les méandres de ses cheminements
au gré de sa méthode, de ses évidences et de ses connaissances
-,