DIGITHÈQUE - Université Libre de Bruxelles

Du nouveau sur Juste Lipse
par Marie DELCOURT,
Professeur émérite de l'Université de Liège
Lipse est plus célèbre que connu. Que sait-on de lui, en
somme? Qu'il est né en 1547 à Overyssche, qu'il étudia à Louvain
et fut secrétaire de Granvelle qui l'envoya à Rome où sa
vocation d'historien se précisa au contact des monuments
antiques; qu'il enseigna ensuite à Iéna, puis à Leyde d'où il
revint en 1591, ayant fait profession de foi catholique, pour
retrouver une chaire à Louvain où il mourut en 1606. Voilà les
événements. L'arrière-plan psychologique reste mystérieux.
Nous avons bien ses éditions, ses ouvrages de philologue et
d'archéologue, son De Constantia, traité du stoïcisme chrétien
tel qu'on le concevait dans la seconde moitié du siècle. Il est
des auteurs - Erasme, par exemple, ou More - dont on ne
saurait lire une page sans avoir l'impression d'avoir appris
quelque chose sur eux-mêmes. Lipse reste distant, opaque,
même dans sa correspondance. Grand épistolier, il gardait les
minutes de ses leUres et publia de son vivant celles dont il était
le plus content. Il les réunit par Centuries, d'après la nationalité
des destinataires : cent lettres à des Français, cent à lies Espagnols,
cent à des Belges. Comment retrouver un homme dans
ces morceaux de style?, comment lire le dessin d'une vie sous
un classement aussi arbitraireP
Aux Centuries publiées à Leyde, puis à Anvers, s'ajoutèrent
bien d'autres lettres découvertes dans la suite, sans que la figure
de Lipse en fût beaucoup éclairée de l'intérieur. Pour composer
une unité spirituelle, elles devraient d'abord être ordonnées
chronologiquement, au lieu de se trouver battues comme un
jeu de cartes. Plusieurs savants songèrent à éditer la correspondance
de Lipse, comme M. et Mme Allen, avec H. W. Garrod, ont