La nouvelle économie industrielle - Institut Coppet

HISTOIRE DES «SERVICES PUBLICS» 101
plus bas là où Bell est déjà présent, cependant que là où
tout reste à construire Bell conserve son avantage de
garantir l'accès à un réseau plus vaste de correspondants.
L'équilibre entre Bell et ses concurrents est rompu.
Par ailleurs, que font les autorités municipales? Leur
tendance naturelle est de choisir Bell de préférence aux
autres compagnies, en raison précisément des avantages
qu'elle offre en matière d'interconnexion; et cela même si
la valeur économique réelle de cette interconnexion pour
les usagers est, à cette époque, encore très faible (mais on
ne leur demande pas leur avis). Lorsqu'il s'agit de choisir
une compagnie, l'élu local membre d'une commission de
sélection est dans une position différente de l'usager. Quel
que soit son choix final, la décision n'aura aucune conséquence
pour son portefeuille personnel. Il lui importe peu
de préférer le service le plus complet ou le plus moderne,
même si cela signifie des tarifs de communication plus
élevés. Ce n'est pas lui qui les paiera.
En contrepartie des droits d'exclusivité, le concessionnaire
se voit imposer la contrainte de ne pas dépasser un
certain rendement financier maximum. Mais c'est précisément
ce que souhaitent les managers de Bell. Selon un
calcul désormais classique dans la théorie économique de
la réglementation, ils préfèrent que leurs marges soient
surveillées par des commissions de fonctionnaires et
d'élus locaux, plutôt que de voir leurs prix contrôlés par la
concurrence de rivaux commerciaux.
L'alibi du service public
La raison de ce comportement n'est pas difficile à trouver.
La discipline du marché libre s'applique à tous les
éléments du prix de revient - c'est-à-dire à toutes les
sources de coûts sans exception, y compris les investissements
de toute nature. Une entreprise qui investit plus
qu'il ne faut pour répondre aux demandes de ses clients,
ou qui investit mal, par exemple dans des opérations
économiques non directement rentables mais productrices