La nouvelle économie industrielle - Institut Coppet

252 LA« NOUVELLE ÉCONOMIE» INDUSTRIELLE
prix convenu. Invoquant un cas de force majeure (par
exemple le retournement imprévu de la conjoncture économique
de sa profession), il lui propose de renégocier le
contrat de location à 36 000 F par jour. Que peut faire
l'imprimeur devant ce coup de force de son client? A
55 000 F il rentre juste dans ses frais. A 36 000 F, il perd
de l'argent. Mais il en perd moins que s'il retire la machine
à B et se retrouve avec un investissement inutilisé et quasiment
inutilisable par d'autres; il en perd également moins
que s'il la reloue à C. Certes, il peut porter plainte devant
un tribunal, et poursuivre B pour rupture abusive de
contrat. Mais combien de temps lui faudra-t-il attendre
avant d'obtenir un jugement? Et puis il y a toujours le
risque de voir les juges accepter le motif de «force
majeure ». Pendant ce temps, les machines resteront
immobiles et ne rapporteront rien. Moralité: en acceptant
de faire l'investissement d'un équipement industriel spécifique
qui n'avait vraiment de valeur que si utilisé par B, et
en faisant naïvement confiance à sa parole, l'imprimeur
s'est mis dans une position où il n'a en définitive plus
d'autre choix que de continuer à travailler pour B, même à
un prix très inférieur à ses coûts. On a une situation où, en
revenant sur sa promesse contractuelle, B peut quasi impunément
s'approprier une large part de la valeur qui normalement
est la propriété de A. En se comportant ainsi, B
agit de façon déloyale. II fait preuve d'un « opportunisme
post-contractuel» qui s'apparente à un véritable vol au
détriment de son partenaire. Si la société d'édition est une
grande entreprise alors que l'imprimeur n'est qu'une PME,
on dira que la première a commis un « abus» de position
dominante, qu'elle a tiré un profit déloyal de son « pouvoir
de marché ».
Poussons cependant l'analyse un peu plus loin. Ce qui
vient d'être dit de l'éditeur B s'applique également à
l'imprimeur A, même s'il ne s'agit que d'une petite entreprise.
Supposons en effet que l'utilisation de cette presse
rapporte à l'éditeur un supplément de profit quotidien de
10 000 F, et admettons que ses caractéristiques soient si