La nouvelle économie industrielle - Institut Coppet

394 LA« NOUVELLE ÉCONOMIE» INDUSTRIELLE
Là encore, c'est mal comprendre ce qui fait l'essence même de
notre civilisation: aucun gouvernement n'a davantage la possibilité
de choisir les orientations futures de son économie, qu'un
seul termite ou même un groupe particulier de termites n'ont la
possibilité de décider 'l,uelle sera la hauteur finale de la termitière,
ou qu'un savant n a la capacité de décider à lui seul ce que
sera le développement futur de la connaissance scientifique.
Enfin, dernière analogie: celle qui voit dans le profit une
force motrice analogue à la force gravitationnelle qUi guide les
flots d'une rivière, mais qui a néanmoins besoin d'être canalisée
par des digues ou régularisée par la présence de barrages et
d'écluses 12.
L'État: un guide" aveugle •...
Comme la comparaison de l'économie de marché à un bateau
à voiles qui ne peut naviguer correctement que si quelqu'un
tient la barre, cette analogie révèle l'incompréhension que Léontieff
entretient sur la façon dont une économie fonctionne 13. Le
profit n'est pas seulement quelque chose que l'on peut comparer
avec le flot ou le vent qui pousse le bateau. Le profit est un
mécanisme beaucoup plus complexe qui, tout en donnant le
mouvement, ne donne pas n'importe quel mouvement, dans
n'importe quelle direction, mais bien au contraire, joue simultanément
un rôle d'orientation tout à fait semblable à celui des
barrages et des écluses que Léontieff voudrait voir introduits. Le
profit joue un rôle beaucoup plus proche de celui d'un pilote
automatique - avec, là encore, une différence fondamentale qui
est que personne ne peut dire a priori dans quelle direction ce
pilote automatique doit nous diriger car nous ne pouvons pas
avoir cette connaissance.
Lorsque les pouvoirs publics interviennent pour « guider »
l'économie, ce qu'ils font n'est pas d'imprimer une direction précise
à ce qui ne serait sans eux qu'une économie à la dérive. Ce
qu'ils font, c'est contraindre l'économie à adopter d'autres directions
que celles qu'indique le pilote automatique guidé par les
principes de la rentabilité et de la profitabilite. Ils n'apportent
pas à l'économie l'aide d'une barre qui lui ferait défaut, mais au
contraire faussent le mécanisme directionnel qui, sans cette
barre artificielle qu'on veut lui ajouter, a au moins pour caractéristique
de guider cette économie vers un dégré relativement
satisfaisant de; coordination spontanée. En fait, ce que l'intervention
de l'Etat introduit n'est qu'un mécanisme aveugle de
direction qui nous écarte de ce degré de coordination vers lequel