La nouvelle économie industrielle - Institut Coppet

258 LA« NOUVELLE ÉCONOMIE» INDUSTRIELLE
si, jugeant ce prix insuffisant, ils décidaient d'arrêter totalement
leur activité. Une fois les puits forés et mis en production,
s'ils n'ont pas pris leurs précautions avant, ils
n'ont plus le choix. Ils sont prisonniers de leur client. Ou ils
acceptent son prix, ou ils perdent tous leurs investissements.
S'ils veulent minimiser leurs pertes, la seule solution
est d'accepter le prix qu'on leur propose, même si
celui-ci est scandaleusement bas (mais pas suffisamment
pour rendre intéressante la construction d'un second pipeline).
On a une situation où le propriétaire du pipeline peut
s'approprier la marge brute des exploitants sans pour
autant que son activité s'arrête. Pourquoi n'en profiterait-il
pas? Regardons maintenant à l'autre bout de la chaîne. On
a un problème identique: tant que le prix qu'il charge aux
raffineurs reste inférieur à ce qu'il leur faudrait payer pour
trouver des sources d'approvisionnement différentes, le
pipeline peut augmenter ses tarifs. Si les prix des pétroles
de substitution sont très élevés, là encore le pipeline peut
capter toute la marge brute qui devrait normalement revenir
aux raffineurs, sans pour autant perdre la moindre
livraison.
Il est clair que nous avons là un exemple de situation où
le marché ne fonctionne pas: le résultat est non seulement
désastreux pour les entreprises concernées; il l'est également
pour l'économie: des ressources qui auraient été utilement
investies dans le développement de l'exploration
pétrolière et du raffinage ne le seront plus, l'offre sera
moins abondante, les prix plus élevés ... Comme les « passagers
clandestins », ceux qui abusent du pouvoir de marché
que leur donne leur position dans la filière de production
d'un bien donné, sont des gens qui coûtent cher non
seulement à ceux dont ils pillent les investissements, mais
également à tous les autres. Traditionnellement, on incrimine
le comportement du monopoleur. Mais, en
l'occurrence, ce n'est pas lui qui a quoi que ce soit à se
reprocher. Ce n'est pas de sa faute si, sur le trajet en cause,
il n'y a économiquement place que pour une seule installation.
Il pourrait bien sûr limiter ses appétits, mais il n'a pas