L'analyse de l'activité dans l'enseignement et l'apprentissage d'une ...

DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèserelativisme spéculatif qui faisait défaut au discours juridique. Or, les théorieslittéraires « modernes » empruntaient déjà considérablement aux théories généralesdes sciences sociales. Les théories du discours, la pragmatique d’Austin, les travauxde Michel Foucault ou de Rolland Barthes, les psychanalyses Lacaniennes ouYoungiennes renouvelaient les approches de la littérature anglophone, cette dernières’étendant de plus en plus au-delà des frontières anglo-américaines 33 .Cette double formation politique et littéraire m’a donné le gout del’épistémologie, de la philosophie, de l’histoire des idées et du langage. Lorsque j’aicommencé ma carrière de chercheur, dix ans plus tard, ces lectures ont influencé maréflexion sur l’usage, que ce soit l’usage des mots ou l’usage des instruments. Eneffet, ce parcours en sciences humaines et sociales a laissé une tracetransdisciplinaire qui explique mon approche de l’usage : la notion d’écart. Lesauteurs de textes juridiques, de la noble constitution au plus petit arrêté d’application,sont obsédés par l’idée que le texte doit être parfaitement « verrouillé » afin quel’application ne souffre pas le moindre écart vis à vis des intentions de ses auteurs.Mais tous savent bien que c’est souvent peine perdue, car un changement dans lerapport de force politique peut retarder, voire empêcher l’écriture des décretsd’application, ou une autre loi vient effacer l’effet de la première, ou encore, le tempspassant, un texte de loi devenu trop éloigné des réalités sociales se voit corrigé,amendé, parfois franchement bafoué ou ignoré. L’écart est la conséquence inévitablede ce qui distingue le droit de sa mise en œuvre. Du côté de la littérature, l’écart n’estpas moindre. Je me souviens que Barberis écrivait, en commentant Balzac, qu’uneœuvre n’existait véritablement qu’au fil de lectures successives, comme « libérée deson auteur » (depuis, l’idée a largement fait son chemin !). Par exemple, entre lesdivers types de narrateurs chez Genette [1972], tout est également affaire d’écart depoint de vue dans le récit. Parallèlement, les théories du discours et de l’énonciationétaient venues rendre compte de l’écart entre la grammaire et l’usage social de lalangue en contexte. Ainsi, ma formation intellectuelle, qu’elle ait été politique oulittéraire, m’a d’emblée confrontée à cette notion d’écart, écart entre l’être idéal (au33 L’apprentissage de la langue ne faisait pas partie de mes préoccupations intellectuelles à cetteépoque, et devenir angliciste ne fut pas sans quelques souffrances, ce qui explique sans doute l’intérêtque je prends à tenter de rendre plus aisé ce parcours périlleux.117