L'analyse de l'activitÃ© dans l'enseignement et l'apprentissage d'une ...

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DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsesens de Chomsky, bien-sûr, c’est-à-dire virtuel) et les individus incarnés, censés fairevivre le texte politique, juridique, littéraire.Mais je ne peux clore cet exposé sans faire référence à ma culture théâtrale etsurtout à sa pratique. Elle constitue le troisième élément du triptyque sur lequelrepose le socle de mes conceptions du changement et de l’innovation. Sur scène, lanotion même d’écart disparaît puisqu’il n’y pas et ne peut y avoir de normesd’interprétation. Il n’existe pas de limite à l’entreprise de traduction/recréation de lamise en scène. Seule la figure toute puissante du metteur en scène constitue uneentrave à la créativité du comédien. Or, le metteur en scène, s’il est un vraiprofessionnel, ne montera jamais sur scène pour montrer à l’apprenti-comédiencomment jouer : ce serait transformer le jeu de l’acteur en une imitation et c’est làune différence très importante avec d’autres apprentissages. Le jeu de l’acteur estdonc entièrement placé sous le signe de l’écart : écart aux intentions de l’auteur(mais quelles intentions ?), écart aux intentions du metteur en scène (mais celui-ciattend aussi que le comédien lui propose des choses), écart par rapport à ses propresintentions, son désir de faire passer tel ou tel sens, telle ou telle émotion (et laconscience de ne pas y parvenir) [Brook, 2001].Ma réflexion sur la notion d’écart a porté sur l’écart à la norme. Elle a eu commepoint de départ un travail théorique sur lequel repose tout cet ouvrage, et qui estexposé dans la deuxième partie (notion de modèle). En 2004, avec Jocelyne Accardi,nous avons tenté d’établir ce qui reliait le modèle, la norme et l’écart dans lesréférences au savoir chez les professeurs stagiaires de langues [Doc. 11, pp. 228-249]. À l’origine, la notion de modèle renvoyait à celle d’objet à imiter [Le Gay,1997], puis a pris valeur d’exemple, et d’ailleurs, le verbe « se modeler » signifiebien « se conformer à », « se régler sur ». C’est en ce sens qu’il faut prendre ici leterme de modèle, c’est-à-dire que la relation aux savoirs savants, savoir-faire etpratiques sociales de référence est une relation normative : tous ces savoirs prennentvaleur de norme dans les discours des stagiaires : norme savante et norme sociale[Munck & Veroheven, 1997]. J’ai pu l’observer dans cette recherche particulièremais aussi dans les mémoires professionnels des professeurs stagiaires [Crinon &Guigue, 2003]. Par la suite, les travaux que j’ai menés sur l’activité des enseignantset des apprenants ont révélé que l’écart n’est pas seulement un écart au prescrit par118
DEUXIEME PARTIE – RECHERCHES SUR LE TERRAIN DES TICE EN ERGONOMIECOGNITIVE DE LA LVEFrançoise RABY – HDR - Volume 1 - Synthèsel’institution ou l’enseignant ou encore la tâche, mais prend aussi chez l’acteur unedimension personnelle, voire intime lorsqu’il est ressenti comme un décalage parrapport à des normes plus ou moins intériorisées par l’acteur [Bronckart, 2004]. Cetécart peut provoquer des situations de dissonances cognitives [Festinger, 1957,1959]. Je m’en suis aperçue encore récemment chez les enseignants, dans le domainede l’évaluation, lorsque ceux-ci doivent mettre en pratique des normes d’évaluationappuyées sur des valeurs qu’ils ne partagent pas [Doc. 19, pp. 387-404]. AvecFrançoise Campanale, nous avons présenté une approche culturelle de l’évaluation aucongrès d’EARLI en 2007 34 . Nous y avons analysé les écarts entre les normesinstitutionnelles pragmatiques d’évaluation et les normes de correction linguistiquequi sont encore l’apanage de nombreux enseignants de langue sur le terrain, car lamaîtrise de la langue est ce qui les identifie professionnellement et ce qui lesdistingue socialement.L’apport de la sociologie des usagesMes réflexions se sont ensuite appuyées sur les travaux menés par la sociologiedes usages, les plus réputés étant ceux de l’École de la Traduction, représentée entreautres par les sociologues Latour [1991], Akrich [2006], Callon [1989, 1992]. Ellesfirent émerger la dimension sociale de l’innovation technique, qui fut alors envisagéecomme une succession d’épreuves, de transformations, de « traductions », d’enjeuxqui s’établissent entre ces différents acteurs (humains et non-humains). Lestransformations sont analysées en termes de confrontations entre les acteurs, lesdispositifs techniques et l’environnement, à travers des tests techniques(d’utilisabilité par exemple) et des expérimentations auprès des usagers. De ce pointde vue, l’historien Perriault [1989] a déjà montré que, face aux modes d’emploiprescrits par les concepteurs des technologies, les utilisateurs proposent « desdéviances, des variantes, des détournements et des arpèges. » [Perriault, 1989,34 RABY, F.; CAMPANALE, F. (2007). Inconsistent cultures of foreign language evaluation.When teachers find themselves tangled up by conflicting values and objectives. EARLI. Budapest,31 août – 30 septembre119
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