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Symposium - AIC

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Arnaud Macé<br />

caractérisation de ce niveau corporel :<br />

οὐδ' αὖ φαντασθήσεται αὐτῷ τὸ καλὸν οἷον πρόσωπόν τι οὐδὲ χεῖρες οὐδὲ ἄλλο οὐδὲν ὧν σῶµα<br />

µετέχει, 14<br />

Le Beau ne se manifestera pas non plus à lui comme un visage, ni non plus comme des mains ou quoi<br />

que ce soit d'autre parmi les choses qui ont part au corps, 15<br />

Imaginons le « τὸ ἐπὶ πᾶσιν τοῖς σώµασι κάλλος· », celui dont on vient de parler, il faut bien<br />

assurément qu'il soit cette beauté que l'on peut saisir dans les visages, sur le mains et sur tout ce qui a<br />

part à la corporéité – on note l'importance de l'expérience du visage et des mains dans l'expérience de<br />

la beauté. L'éclat de cette beauté qui rayonne sur les corps, et notamment sur les visages, est aussi<br />

évoqué dans le Phèdre.<br />

ἀρτιτελής, ὁ τῶν τότε πολυθεάµων, ὅταν θεοειδὲς πρόσωπον ἴδῃ κάλλος εὖ µεµιµηµένον ἤ τινα<br />

σώµατος ἰδέαν, πρῶτον µὲν ἔφριξε... 16<br />

Celui au contraire qui vient d'être initié, celui qui des réalités de jadis a eu une vision pleine, quand il<br />

lui arrive de voir un visage, ou la forme d'un corps, qui soit d'un aspect divin, qui imite à merveille la<br />

beauté, celui-là, alors, commence par frissonner... 17<br />

Nous tenterons plus tard de réconcilier ce qui semble incompatible entre ce passage du Phèdre et celui<br />

du Banquet que nous venions de citer : comment les mêmes corps peuvent-ils être l'imitation de la<br />

beauté même et ce en quoi le beau se refuse à se manifester ? Pour l'instant, nous en restons à la mise<br />

au jour de cette couche spécifique du corporel en général dans l'expérience des belles choses. On peut<br />

noter à ce propos que l'extension proposée par Diotime, qui peut sembler violente à tous ceux qui sont<br />

attachés à la singularité des attachements exclusifs, est pourtant limitée. Que l'on pense à l'initiation<br />

que Socrate fait connaître à Hippias, en lui faisant apparaître la beauté qu'il y a dans les juments, les<br />

lyres et dans les marmites. Une belle jument est aussi quelque chose de beau ; car comment admettre<br />

que « ce qui est beau ne soit pas beau » (Hippias Majeur 288c2-3) ? Hippias, qui se souvient des<br />

magnifiques juments dont on fait l'élevage dans son pays, à Elis, approuve. Et Socrate lui fait accepter<br />

qu'une belle lyre est aussi quelque chose de beau, et aussi une belle marmite : « si la marmite a été<br />

fabriquée par un bon potier, qu'elle est bien lisse, bien arrondie et bien cuite, comme sont, parmi les<br />

belles marmites, celles qui ont deux anses, et qui peuvent contenir six conges – de si belles<br />

marmites » (288d6-9). Or Diotime ne semble pas requérir que l'on approfondisse l'initiation<br />

amoureuse en reconnaissant aussi la beauté qu'il y a dans les marmites, les juments, en s'adonnant à<br />

l'amour de ces corps là aussi, au même titre qu'on désire la beauté de Pâris ou de Patrocle. Nous<br />

verrons qu'il y a une étape de l'initiation où nous rangerons pourtant Pâris à côté des marmites et des<br />

juments. Mais pour l'instant, une logique de l'éminence semble présider à l'initiation, un point de vue<br />

qu'Hippias déjà avait très bien exprimé, en affirmant qu'une marmite, même très belle, « ne mérite pas<br />

qu'on la place parmi les belles choses, au même titre que le cheval ou la jeune femme et que toutes les<br />

autres belles choses » (Hippias Majeur 288e7-9). Grâce à Hippias, nous savons déjà quoi répondre à<br />

celui qui nous a fait reconnaître la beauté des marmites, en lui apprenant qu'il ignore la vérité qu'il y a<br />

dans ces mots d'Héraclite : « le plus beau des singes est laid en comparaison de l'espèce humaine »<br />

(289a3-4), et la vérité qu'il y a dans cet aphorisme du savant Hippias : « la plus belle des marmites est<br />

laide, en comparaison de l'espèce des jeunes femmes » (289a4-6) ! Voilà une bonne raison de préférer<br />

commencer l'initiation par les corps humains, sans s'embarrasser des marmites : ils manifestent la<br />

beauté à un degré supérieur à celui de la même propriété présente dans les marmites et les jugements :<br />

ils la possèdent « éminemment (kuriôs) »18, comme dirait Aristote. Mais, comme Hippias l'a aussi<br />

appris à ces dépends, une telle logique est prompte à évincer ses élus d'un jour. On trouve toujours un<br />

porteur plus éminent de la qualité recherchée. Les âmes s'apprêtent à éclipser les corps selon la même<br />

logique.<br />

b) ce qu'il y a dans les âmes : actes<br />

Après avoir élu la beauté des corps, on se trouverait étonnamment, comme par la grâce d'une première<br />

14 Banquet 211a5-7 Burnet.<br />

15 Nous traduisons.<br />

16 Phèdre 251a1-4 Burnet.<br />

17 Nous traduisons.<br />

18 Sur les formes, cité par Alexandre d'Aphrodise, Commentaire à la Métaphysique d'Aristote, 82.13.<br />

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