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Arnaud Macé<br />
τινὰ τοιοῦτον, οἷον γιγνοµένων τε τῶν ἄλλων καὶ ἀπολλυµένων µηδὲν ἐκεῖνο µήτε τι πλέον µήτε<br />
ἔλαττον γίγνεσθαι µηδὲ πάσχειν µηδέν. 28<br />
mais il est lui-même par lui-même, d'une forme unique, existant toujours, et toutes les autres choses<br />
belles participent à celui-ci sur un certain mode tel que tandis que les autres choses viennent à<br />
l'existence et périssent, jamais celui-ci ne devient ni plus grand ni plus petit et ne subit rien.<br />
On pourrait imaginer ici que toute forme de devenir, grand ou petit, mais aussi de bien toute autre<br />
sorte est aussi bien exclut – l'altération en général. C'est ce que confirme une expression<br />
précédemment utilisée : οὐδὲ τοτὲ µέν, τοτὲ δὲ οὔ29, il n'est pas beau à un moment, et laid à un autre.<br />
Il ne s'altère pas. On trouve peut-être là les différents types de mouvements qui affectent toute<br />
les choses qu'il y a dans l'univers, qu'il s'agisse de corps (corps individuels, corps du monde), d'âmes<br />
(âmes individuelles ou âme du monde) ou de dispositions de ces corps et de ces âmes, comme le<br />
décrit la physique du livre X des Lois (893c-896e 30 ). Il y a bien là un ensemble de propriétés qui<br />
qualifient bien l'ensemble des choses parcourues par Diotime jusqu'ici : même le corps et l'âme du<br />
monde sont des choses soumises au mouvement, et leur ordre, objet des mathématiques, l'est aussi.<br />
L'ordre du ciel peut-être décrit comme le résultat d'une mise en ordre, comme c'est aussi le cas dans le<br />
Timée.<br />
b) La relativité des perceptions.<br />
ἔπειτα οὐ τῇ µὲν καλόν, τῇ δ' αἰσχρόν, οὐδὲ τοτὲ µέν, τοτὲ δὲ οὔ, οὐδὲ πρὸς µὲν τὸ καλόν, πρὸς δὲ τὸ<br />
αἰσχρόν, οὐδ' ἔνθα µὲν καλόν, ἔνθα δὲ αἰσχρόν, ὡς τισὶ µὲν ὂν καλόν, τισὶ δὲ αἰσχρόν· 31<br />
en outre il n'est pas beau d'un côté, laid de l'autre, ni beau à un moment, laid à un autre, ni beau par<br />
rapport à tel autre, laid par rapport à tel autre, beau ici, laid ailleurs, beau pour certains, pour d'autres<br />
laid.<br />
On a là cinq formes de relativité qu'il faut distinguer et que l'on peut réduire à quatre modes, comme<br />
l'a fait Vlastos 32 : selon les parties, le temps, la relation, le lieu et le point de vue. Le tableau résume<br />
ces quatre possibilités.<br />
Parties et aspects : comparaison interne Beau du visage, laid des pieds ; beau habillé, laid nu<br />
Temps Beau jeune, laid vieux<br />
Relation Beau par rapport à une marmite, laid par rapport à<br />
une jument 33 .<br />
Lieu Beau à Athènes, Laid à Sparte<br />
Point de vue Beau pour les vieux, laid pour les jeunes<br />
Ces variations affectent assurément les objets sensibles, comme en témoignent de nombreux autres<br />
passages platoniciens. Qu'en est-il des âmes ? Sont-elles elles aussi soumises à l'ensemble de ces<br />
variations ? Il semble en effet qu'une âme puisse être seulement partiellement belle, cesser de l'être,<br />
l'être relativement seulement, et être soumise à des évaluations diverses selon les lieux et selon les<br />
interlocuteurs – même auprès de la même âme, si on en croît le type de distorsions qui peuvent exister<br />
au sein du même sujet sur le moindre spectacle 34 . La beauté qui est dans les sciences est-elle soumise<br />
à la même variation ? Il n'y a pas moyen d'y échapper. Un triangle pourrait-il être beau et laid ? Il peut<br />
bien être à la fois grand et petit. Bref, il n'y aurait aucune attribution absolument stable de propriétés<br />
contraires. Peut-être pourrait-on néanmoins accepter des degrés : que les corps soit davantage soumis<br />
28<br />
Banquet 211b1-5.<br />
29<br />
Banquet 211a3 Burnet.<br />
30<br />
Voir A. Macé, Platon, philosophie de l’agir et du pâtir, Sankt Augustin, Academia, 2006, 147-150.<br />
31<br />
Banquet 211a2-5.<br />
32<br />
Voir G. Vlastos, « Degress of Reality », in R. Bambrough (éd.), New essays on Plato and Aristotle, London, pays<br />
multiples, Routledge and Kegan Paul, 1965, p. 219-234, et voyez notre comparaison avec de multiples passages platoniciens,<br />
A. Macé, Platon, philosophie de l’agir et du pâtir, op. cit., p. 185-189.<br />
33<br />
On pense aussi au cas des bouts de bois égaux (deux à deux) qui peuvent en même temps être inégaux (par rapport à<br />
d'autres) (Phédon 74d-e), le cas des hommes ou des doigts que nous voyons grands par rapport à certains se trouver petits par<br />
rapport à d'autres (Ibid.102b-e pour les hommes, République VII 523c-d pour les doigts).<br />
34<br />
Voir notre étude A. Macé, « Que l’art ne peut pas tout pour la cité : la dissonance de l’art, du spectateur et de l’acteur selon<br />
Platon », Cahiers du Centre G. Glotz, n o 18, 2007, p. 303-322.<br />
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