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Symposium - AIC

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Alexis Pinchard<br />

deviendra la solution aristolicienne pour penser l’identité à soi du vivant individuel, solution partant<br />

pourtant de prémisses semblables aux siennes :<br />

La plus naturel des fonctions pour un être vivant qui est achevé et qui n’est pas incomplet, ou<br />

dont la génération n’est pas spontané, c’est de créer un autre être semblable à lui, l’animal un animal,<br />

et la plante une plante, de façon à participer à l’éternel et au divin dans la mesure du possible […].<br />

Puisque donc il n’est pas possible pour l’individu de participer à l’éternel et au divin d’une façon<br />

continue, par le fait qu’aucun être corruptible ne peut demeurer le même et numériquement un, c’est<br />

dans la mesure où il peut y avoir part que chaque être y participe, l’un plus et l’autre moins ; et il<br />

demeure ainsi non pas lui-même, mais semblable à lui-même, non pas numériquement un, mais<br />

spécifiquement un.<br />

L’âme est cause et principe du corps vivant. Ces termes, « cause » et « principe », se prennent<br />

en plusieurs acceptions, mais l’âme est pareillement cause selon les trois modes que nous avons<br />

déterminés ; elle est, en effet, l’origine du mouvement, elle est la fin, et c’est aussi comme l’essence<br />

(ousia) des corps animés que l’âme est cause. Qu’elle soit cause comme essence, c’est évident, car la<br />

cause de l’êtree est, pour toutes choses, l’essence : or c’est la vie qui, chez tous les êtres, constitue leur<br />

être, et la cause et le principe de leur vie, c’est l’âme (Aristote, De anima, 415b1-15).<br />

Le refus aristotélicien les poser les universaux que constituent les espèces vivantes comme<br />

des substances (ousia) séparées a pour corrélat nécessaire la reconnaissance de l’âme comme forme<br />

réellement active et donc réellement présente dans le corps vivant tout au long de sa vie, si toutefois<br />

on veut accorder une certaine réalité à ces universaux et éviter ainsi le nominalisme. Certes l’âme, en<br />

tant que forme d’un corps pourvu d’organes, n’existe pas séparément, mais elle existe quand même,<br />

n’étant pas un simple résultat de l’abstraction, dans la mesure où elle exerce une causalité<br />

organisatrice. Elle n’est d’ailleurs que cette force organisatrice. L’espèce n’est une réalité, pour<br />

Aristote, que si elle s’actualise dans les individus sensibles, passant d’entéléchie première à entéléchie<br />

seconde, et fait d’eux, à titre de cause, précisément ce qu’ils sont pour tout le temps où ils sont. Sans<br />

les individus sensibles l’intellect, qui pense nécessairement l’universel, ne saisirait aucune vérité<br />

sinon dans ses jugements, et l’intuition ne pourrait donc venir fournir les principes de la<br />

démonstration. Certes l’âme, cause formelle du corps vivant en tant que vivant, pourra abandonner le<br />

corps, et ce sera alors la mort, y compris peut-être la sienne, mais en attendant, pour quelques temps,<br />

elle confère le rang de substance, parmi les divers sens de l’être, à certains individus sensibles. C’est<br />

véritablement, comme le dira la scolastique, une « forme substantielle », à la fois active dans la<br />

matière et soutenue par elle quoique non soumise à son flux. Un individu vivant ne demeure le même<br />

au cours du temps que parce que son âme est toujours présente dans son corps, ce qui permet<br />

justement de dire que c’est son corps. Et chaque vivant participe à l’éternel à proportion de la<br />

complexité de son âme. Au sommet, avec l’âme intellective, l’homme y participe davantage que la<br />

plante douée seulement d’âme nutritive. Mais toujours l’individu prend consistance par son âme, aussi<br />

brève que soit sa vie. Aristote ne peut donc aligner exactement la nutrition sur le statut de la<br />

reproduction, contrairement à Diotime, car la nutrition suppose une seule et même âme, alors que la<br />

reproduction en convoque au moins deux. Il n’y a pas d’âme de l’espèce, nous ne sommes pas chez<br />

Schopenhauer.<br />

L’âme platonicienne constituante?<br />

Mais cette opposition entre Aristote et Diotime exprime-t-elle, plus profondément, une opposition<br />

entre Platon et Aristote ? Rien n’est moins sûr, au moins à première vue. Car, dans le Phédon,<br />

contrairement au Banquet, Socrate semble admettre l’hypothèse d’une âme durable qui se façonne<br />

toujours à nouveau un corps quasi instantané mais parfaitement organisé, constituant ainsi la véritable<br />

unité du vivant au cours de sa durée, voire lui donnant ainsi, tout simplement, une durée. Cette âme<br />

formatrice nous ramène du côté d’Aristote et de son âme « cause et principe du corps vivant »<br />

(Aristote, De anima, 415b 5), bien qu’elle ne soit jamais assimilée à une ousia :<br />

SOCRATE : L’âme, dirait-on [si on voulait appliquer au couple âme-corps l’analogie avec le tisserand<br />

et le vêtement qu’il tisse], est chose durable, le corps de son côté chose plus fragile et de moindre<br />

durée. En réalité, cependant, ajouterait-on, mettons que chaque âme use de nombreux corps,<br />

particulièrement quand la vie dure de nombreuses années (car on peut supposer que, le corps étant un<br />

courant qui se perd tandis que l’homme continue à vivre, l’âme au contraire ne cesse de retisser ce qui<br />

est usé) ; ce n’en serait pas moins une nécessité que l’âme, le jour où elle sera détruite, ait justement<br />

sur elle le dernier vêtement qu’elle a tissé, et que ce soit le seul antérieurement auquel ait lieu cette<br />

destruction. Mais une fois l’âme anéantie, c’est alors que désormais le corps révélerait sa fragilité<br />

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