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Symposium - AIC

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Alexis Pinchard<br />

de sa parole vive, c’est en fait la pensée du maître qui se répète. Davantage, elle ne se répète que pour<br />

ceux qui sont les témoins extérieurs d’une telle contemplation sans contempler eux-même ; en vérité,<br />

du maître au disciple, la contemplation n’a pas cessé, étant coéternel à son objet. Le fait que le<br />

disciple contemple à son tour n’augmente pas la quantité d’immortalité qui échoit au maître car cette<br />

immortalité, par nature, est toujours déjà achevée dès qu’elle atteinte. En revanche, comme le dit<br />

l’Alcibiade, c’est en contemplant l’acte contemplatif du disciple que le maître peut prendre<br />

conscience de l’éternité qui traverse son propre intellect. C’est donc dans l’enseignement que le<br />

philosophe fait l’épreuve de l’éternité de sa propre pensée en tant qu’elle entre en contact avec<br />

l’éternité des Formes.<br />

Cette argument permet de trancher une question concernant le type de ressouvenir évoqué par<br />

Diotime en 208a : il ne s’agit pas de la réminiscence dialectique, car il est alors précisé que la<br />

nouvelle connaissance est certes semblable à l’ancienne, mais en fait numériquement autre. Il s’agit<br />

de la révision de connaissance acquise ex datis durant la vie incarnée. Il ne s’agit pas de vérités<br />

éternelles connues a priori à partir de principes innées. La connaissance de l’Idée, quant à elle, est<br />

toujours vraie et pleinement vraie dès qu’elle advient puisqu’elle est simple, et donc, comme il n’y a<br />

qu’une seule vérité de chaque chose, cette connaissance doit être toujours exactement la même quel<br />

que soit le moment où, pour le discours mondain qui la relate, adressé à d’autres hommes pris dans le<br />

monde, elle surgit. C’est autour d’une telle identité que se reconstitue l’identité supérieure du<br />

philosophe. Le soi de celui qui pense les Formes est tout entier pensant, et ce qu’il pense se tient tout<br />

entier à l’intérieur de lui, car saisissable par la seule réminiscence. Davantage, ce soi n’est-il pas le<br />

même pour toute conscience ? Ce soi n’a-t-il pas aboli la diversité de tous les moi, et donc l’identité<br />

personnelle en tant qu’elle est complémentaire d’une certaine altérité ? Comment peut-on encore être<br />

dit rester le même quand il n’y a plus rien d’autre vers quoi on pourrait aller pour trahir son identité ?<br />

Demeurer identique, n’est-ce pas d’abord continuer à être autre que les autres ? En vérité, en ce qui<br />

concerne l’âme en train d’intelliger, de l’altérité demeure, mais idéale : l’intellect pense diverses<br />

Formes, d’un seul coup. S’il faut dialectiser pour parvenir à l’intellection, il faut que l’intellection<br />

récapitule la multiplicité des Formes parmi lesquelles le dialecticien circule, à l’image de ce qui se<br />

pratique dans le Philèbe. Donc l’altérité n’est pas perdue mais elle est intériorisée par le Moi qui<br />

pense. La singularité du moi devient enfin ce qu’elle est : unique.<br />

L’immortalité du philosophe qui contemple le Beau en soi est donc différente de l’immortalité<br />

des autres âmes, sans que cela remette en cause l’immortalité de l’âme propre à tous les vivants et la<br />

différence entre l’éternité de l’intelligible et le sempiternité propre au mode d’être intermédiaire qui<br />

est échu à l’âme. Il s’agit d’une immortalité qui garantit l’identité au lieu de soulever le problème de<br />

l’identité comme permanence au cours du temps.<br />

Lorsque l’âme se met à intelliger, c’est-à-dire lorsqu’elle prend l’initiative de donner à son automouvement<br />

constitutif une orientation pour ainsi dire circulaire et parfaitement régulière, elle décide<br />

par elle-même de ne plus mettre son énergie au service d’une loi venant de l’extériorité corporelle. Le<br />

mouvement circulaire est par excellence le type de mouvement qu’elle doit choisir si enfin elle décide<br />

de choisir son mouvement au lieu d’abandonner sa direction au hasard, car il est le mouvement qui,<br />

faisant coïncider la fin et le commencement, exprime au mieux le fait que l’âme est un principe qui se<br />

meut soi-même jusque dans les différentes orientations qu’elle peut se donner. C’est ce mouvement<br />

qui signifie le mieux la nature de toute âme. Lorsqu’elle décide de penser, l’âme accède donc<br />

librement à l’autonomie quant à la nature de son mouvement et non plus seulement quant au fait de<br />

son mouvement. Ainsi l’âme respecte enfin concrètement pour tous les aspects de son activité la loi à<br />

laquelle elle a dû faire allegeance pour venir à l’être : tenir de soi-même ses propres déterminations.<br />

Plus rien d’elle n’échappe à l’auto-causalité qui la distingue dès l’origine de tous les autres êtres. Tout<br />

ce qui en elle sera désormais issu d’elle et par elle. C’est seulement ainsi que le soi qu’elle cause est<br />

son soi tout entier et donc mérite son nom de soi. Ces déterminations seront certes amenées à changer<br />

puisque l’âme est mouvement, mais toujours elles surgiront des déterminations antérieures selon un<br />

ordre qu’elle-même peut comprendre. L’âme en train de penser est donc en quelque sorte doublement<br />

elle-même. Elle ne se contente pas d’être, de fait, elle-même ; elle se pose en tant qu’elle-même, à ses<br />

propres yeux, dans l’espace de sa trajectoire et des figures générales qu’elle dessine. Elle se veut ellemême,<br />

s’elle s’aime elle-même en tant que principe agissant sur soi. Elle échappe à sa contradiction<br />

ordinaire, être cause de soi par hasard.<br />

B/ Connaissance du vrai, fidélité au serment et ipséité (thèse)<br />

Ce qui persiste, en matière de soi, au sein de ce mouvement ininterrompu de l’intellection, c’est,<br />

comme le suggère Paul Ricœur, l’intensité éthique d’un engagement, et non un substrat inerte ou un<br />

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