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Arnaud Macé<br />
Timée (47b5-c4) on explore la façon dont les mathématiques nous permettent, ayant observé le ciel,<br />
ayant étudié à fond (ἐκµαθόντες) les mouvements qui s'y trouvent et ayant pris part à la justesse du<br />
calcul (λογισµῶν… ὀρθότητος), de découvrir l'harmonie qui est dans le ciel, découverte qui aura pour<br />
effet de mettre de l'ordre dans les mouvements de notre âme. Or une telle indication de localisation de<br />
cette beauté semble confirmée lorsqu'à la page suivante on en vient à éliminer toutes les choses<br />
précédemment évoquées dans lesquelles la Forme elle-même n'est pas :<br />
οὐδέ τις λόγος οὐδέ τις ἐπιστήµη, οὐδέ που ὂν ἐν ἑτέρῳ τινι, οἷον ἐν ζώῳ ἢ ἐν γῇ ἢ ἐν οὐρανῷ ἢ ἔν τῳ<br />
ἄλλῳ, 24<br />
(Ce Beau ne se manifestera) pas non plus comme un discours ni comme une science donnée, il ne sera<br />
pas non plus en quelque façon dans une autre chose, comme dans un animal, dans la Terre, dans le<br />
ciel ou dans quoi que ce soit d'autre.<br />
La beauté du ciel ou de la terre semblent bien être de celles que les sciences peuvent révéler. En quoi<br />
ces beautés sont-elles plus grandes que celles des hommes et des femmes ? Ce sont les beautés de<br />
divinités. Or, comme Hippias l'a appris à ses dépends, la plus belle des femmes, comparée à une<br />
déesse, ne sera plus très belle, comme le dit Héraclite : « le plus savant des hommes paraît un singe<br />
auprès d'un dieu ; il en est de même pour le savoir, comme pour la beauté, comme pour toute chose »<br />
(Hippias 289b4-5). Surtout, il semble s'agir désormais d'une beauté qui ne se révèle qu'à l'intellect, par<br />
l'intermédiaire de l'étude des sciences, celle de l'ordre mathématique que l'étude révèle aux futurs<br />
gouvernants de la République comme des Lois (XII 966d-968c).<br />
340<br />
2/ les propriétés des choses composant l'ensemble total des belles choses<br />
Une chose étonnante se produit alors. Pourquoi, si l'on se tenait dans une logique d'éminence, de<br />
recherche d'une beauté de plus en plus éclatante, se retourner pour regarder en arrière ? Diotime invite<br />
l'initié à contempler l'ensemble parcouru : « en considérant la vaste étendue qui est déjà celle du beau<br />
(βλέπων πρὸς πολὺ ἤδη τὸ καλὸν) » 25 . Alors, l'initié aux mystères d'Eros, se trouve « tourné vers<br />
l'océan du beau et le contemplant (ἐπὶ τὸ πολὺ πέλαγος τετραµµένος τοῦ καλοῦ καὶ θεωρῶν) »<br />
(210d3-4). L'océan du beau n'est pas la Forme du beau : c'est l'ensemble des choses belles qui ont été<br />
parcourues. Ce que nous appelons son champ de participation. Or c'est le moment où Diotime, en<br />
décrivant une nouvelle chose qui ne fait pas nombre avec l'ensemble des choses belles, en décrivant la<br />
Forme du Beau, propose, en creux, une description de certains attributs communs à toutes les choses<br />
belles qui ne sont pas le Beau lui-même. Lorsque Diotime entreprend de nous présenter « ce beau<br />
dont la nature est merveilleuse » (τι θαυµαστὸν τὴν φύσιν καλόν 210.e4-5), elle se contente d'exclure<br />
un certains nombre d'attributs (210e6-211b5). Or l'ensemble de ces propriétés aurait permis pourtant<br />
de circonscrire des ensembles d'objets que l'on vient de traverser. Il y a deux types de propriétés.<br />
a) Les formes du mouvement :<br />
ὃς γὰρ ἂν µέχρι ἐνταῦθα πρὸς τὰ ἐρωτικὰ παιδαγωγηθῇ, θεώµενος ἐφεξῆς τε καὶ ὀρθῶς τὰ καλά, πρὸς<br />
τέλος ἤδη ἰὼν τῶν ἐρωτικῶν ἐξαίφνης κατόψεταί τι θαυµαστὸν τὴν φύσιν καλόν, τοῦτο ἐκεῖνο, ὦ<br />
Σώκρατες, οὗ δὴ ἕνεκεν καὶ οἱ ἔµπροσθεν πάντες πόνοι ἦσαν, πρῶτον µὲν ἀεὶ ὂν καὶ οὔτε γιγνόµενον<br />
οὔτε ἀπολλύµενον, οὔτε αὐξανόµενον οὔτε φθίνον...26<br />
Celui qui en effet aura suivi jusque là l'initiation menant vers les objets de l'amour, contemplant les<br />
belles choses, de manière successive et correcte, parvient alors au terme des choses de l'amour : il<br />
verra soudain quelque chose d'incroyablement beau quant à sa nature, cette chose même, Socrate, qui<br />
était le but de toutes les peines antérieures, une chose, qui, tout d'abord, est toujours, ne vient jamais à<br />
l'existence ni ne périt, ne s'accroît ni ne diminue... 27<br />
Rien qui ne vienne à l'existence ni n'en sorte, n'augmente ni de diminue. Cette exclusion de la<br />
génération et de la destruction est complétée par celle de l'augmentation et de la diminution, peut-être<br />
de manière générale celle de toute forme de devenir. Voyons en effet la reprise de ce thème :<br />
ἀλλ' αὐτὸ καθ' αὑτὸ µεθ' αὑτοῦ µονοειδὲς ἀεὶ ὄν, τὰ δὲ ἄλλα πάντα καλὰ ἐκείνου µετέχοντα τρόπον<br />
24 Banquet 211a7-b1 Burnet.<br />
25 Banquet 210c3-d1.<br />
26 Banquet 210e2-211a2.<br />
27 Nous traduisons.