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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Bretagne en assez haute estime pour que son influence soit décelable en plusieurs endroits <strong>de</strong><br />

l’Heptaméron » 180 .<br />

Et même du côté <strong>de</strong>s auteurs <strong>de</strong> la Pléia<strong>de</strong>, le désintérêt pour cette matière chevaleresque ne<br />

sera pas si radical qu’on pourrait le penser. Du Bellay critique parfois « ceulz qui ne<br />

s’employent qu’à orner et amplifier notz romans » pour un résultat « beaucoup plus propre à<br />

bien entretenir damoizelles qu’à doctement écrire » 181 , mais il invite par ailleurs le futur poète<br />

épique <strong>de</strong> la France à s’inspirer <strong>de</strong> la tradition nationale :<br />

Choysi moy quelque un <strong>de</strong> ces beaux vieulx romans françoys, comme un Lancelot, un<br />

Tristan, ou autres : et en fay renaitre au mon<strong>de</strong> un admirable Ilia<strong>de</strong> et laborieuse<br />

<strong>En</strong>eï<strong>de</strong>. 182<br />

Juste avant ce passage, Du Bellay cite l’Arioste, qui a emprunté <strong>de</strong>s noms et une histoire dans<br />

la tradition française ; on retrouve ce même parallèle, assorti <strong>de</strong> la même invitation faite aux<br />

poètes français, sous la plume <strong>de</strong> Jacques Peletier du Mans (Art poëtique, 1555) :<br />

E dirè bien ici an passant, qu’an quelques uns d’iceus bien choisiz, le poëte heroïque<br />

pourra trouver a fere son profit : comme sont les avantures <strong>de</strong>s chevaliers, les amours,<br />

les voyages, les anchantemans, les combaz, e samblables choses : déqueles l’Arioste à<br />

fét amprunt <strong>de</strong> nous, pour transporter an son livre. 183<br />

De son côté, Ronsard rapproche le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> composition <strong>de</strong> l’Énéi<strong>de</strong> et <strong>de</strong> l’Ilia<strong>de</strong>, à celui <strong>de</strong><br />

la matière <strong>de</strong> Bretagne : Homère,<br />

fondé sur quelque vieil conte <strong>de</strong> son temps <strong>de</strong> la belle Heleine et <strong>de</strong> l’armée <strong>de</strong>s Grecs<br />

à Troye, comme nous faisons <strong>de</strong>s contes <strong>de</strong> Lancelot, <strong>de</strong> Tristan, <strong>de</strong> Gauvain et<br />

d’Artus, fonda là <strong>de</strong>ssus son Ilia<strong>de</strong>. 184<br />

Mais malgré toute l’énergie que Jean Frappier met à relativiser un constat généralement admis<br />

selon lequel la Renaissance ne professe que mépris à l’encontre <strong>de</strong>s romans <strong>de</strong> chevalerie, il<br />

180<br />

Ibid., p. 88.<br />

181<br />

JOACHIM DU BELLAY, Deffence et illustration <strong>de</strong> la langue francoyse, éd. Henri Chamard, Genève: Slatkine<br />

Reprints, 1969, pp. 236-7.<br />

182<br />

Ibid., pp. 235-6.<br />

183<br />

Cité dans FRAPPIER, "Les Romans <strong>de</strong> la Table Ron<strong>de</strong> dans les lettres en France au XVIème siècle", p. 89. Un<br />

<strong>de</strong>mi-siècle plus tard, on retrouvera une même idée dans l’Art poétique (1605) <strong>de</strong> Vauquelin <strong>de</strong> la Fresnaye, pour<br />

qui l’Arioste : « Plus hardiment a pris les gestes hasar<strong>de</strong>ux / De nos vieux Paladins, connus par tout le mon<strong>de</strong>, /<br />

Et <strong>de</strong>s preux Chevaliers <strong>de</strong> notre Table-Ron<strong>de</strong> » ; et, un peu plus loin : « D’Amadis l’Espagnol a sa langue<br />

embellie, / Et sa langue embellit <strong>de</strong> nos Pairs l’Italie : / Et quand nous reprendrons ces beaux larcins connus, / De<br />

rien nous ne pouvons leur en estre tenus » (cité dans FRAPPIER, "Les Romans <strong>de</strong> la Table Ron<strong>de</strong> dans les lettres<br />

en France au XVIème siècle", p. 90).<br />

184<br />

Cité dans FRAPPIER, "Les Romans <strong>de</strong> la Table Ron<strong>de</strong> dans les lettres en France au XVIème siècle", p. 89.<br />

117

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