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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Mais, une fois encore, une bonne part <strong>de</strong> ces étu<strong>de</strong>s médiévales naissantes paraissent<br />

s’intéresser aux monuments <strong>de</strong> la littérature médiévale pour <strong>de</strong>s raisons plus idéologiques<br />

qu’esthétiques. <strong>En</strong> dépit du mouvement éditorial qui s’amorce, on s’intéresse bien plus à ce<br />

que le Moyen Âge représente symboliquement qu’à ce qu’il a réellement produit, et la<br />

première vague d’engouement littéraire pour cette pério<strong>de</strong> se caractérise bien plus par une<br />

avalanche <strong>de</strong> motifs médiévaux au sein <strong>de</strong>s romans historiques en vogue que par <strong>de</strong>s<br />

rééditions <strong>de</strong> textes médiévaux.<br />

Dans la préface <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>moiselle <strong>de</strong> Maupin, Gautier dresse un portrait croustillant du<br />

critique face au déferlement <strong>de</strong> motifs médiévaux dans la littérature : s’étant « enveloppé <strong>de</strong><br />

son cilice <strong>de</strong> poil <strong>de</strong> chameau, et s’ét[ant] répandu un boisseau <strong>de</strong> cendres sur la tête », il se<br />

lamente <strong>de</strong> ce « Moyen Âge <strong>de</strong> carton et <strong>de</strong> terre cuite qui n’a du Moyen Âge que le nom »,<br />

que <strong>de</strong>s « barbouilleurs ignorants » ont « fait disparaître sous une couche <strong>de</strong> grossier<br />

badigeon » et <strong>de</strong> « criar<strong>de</strong>s enluminures ». Mais les cris du critique préviennent la foule en<br />

faveur <strong>de</strong> ce pauvre Moyen Âge si cruellement attaqué, si bien que<br />

le Moyen Âge envahit tout, aidé par l’empêchement <strong>de</strong>s journaux : – drames,<br />

mélodrames, romances, nouvelles, poésies ; il y eut jusqu’à <strong>de</strong>s vau<strong>de</strong>villes Moyen<br />

Âge, et Momus répéta <strong>de</strong>s flonflons féodaux. 299<br />

Gautier situe cette vogue « à une époque très reculée, qui se perd dans la nuit <strong>de</strong>s âges, il y a<br />

bien tantôt trois semaines <strong>de</strong> cela ». Nous sommes en 1834. Le romantisme est à son apogée,<br />

mais on édite encore Creuzé <strong>de</strong> Lesser. Deux Moyen Âges, en quelque sorte, se partagent<br />

encore le terrain, mais le premier est en train d’être étouffé par le second dans une querelle<br />

peut-être plus œdipienne que fratrici<strong>de</strong>. Le « Moyen Age noir <strong>de</strong>s Hugo, Michelet et Augustin<br />

Thierry » prend le pas sur le « Moyen Age rose <strong>de</strong> l’esprit troubadour » issu <strong>de</strong> Tressan,<br />

comme le dit Alain Corbellari, qui poursuit :<br />

Il serait […] téméraire d’affirmer que toute idée <strong>de</strong> fantaisie facile disparaît <strong>de</strong> la<br />

vision romantique du Moyen Âge : à la suite <strong>de</strong> Walter Scott, la décennie héroïque du<br />

roman historique français (1820-1830) privilégie le Moyen Âge pour <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong><br />

couleur locale bien plus que <strong>de</strong> respect religieux ; et ce malgré Chateaubriand ! 300<br />

299 THÉOPHILE GAUTIER, Ma<strong>de</strong>moiselle <strong>de</strong> Maupin, dans Oeuvres complètes, vol. 1, éd. Anne Geisler-<br />

Szmulewicz, <strong>Paris</strong>: Honoré Champion, 2004, pp. 89-90.<br />

300 CORBELLARI, Joseph Bédier, écrivain et philologue, p. 27.<br />

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