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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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monstre (au sens étymologique) et tenter <strong>de</strong> percer le sens <strong>de</strong> son énigme. Il ne se trouve plus<br />

<strong>de</strong>vant un sens à construire, mais <strong>de</strong>vant un sens déjà entièrement verrouillé, dont il<br />

comprendra peu à peu qu’il l’exclut radicalement, sans qu’aucune ouverture ne lui soit laissée<br />

pour s’y immiscer à nouveau. Il est trop tard pour interroger ; il ne reste qu’à prendre acte.<br />

Dans le Rivage <strong>de</strong>s Syrtes, toutefois, Aldo retrouve une posture plus interrogative, et<br />

l’essentiel <strong>de</strong> sa <strong>quête</strong> consiste bel et bien à lire et interpréter les signes du mon<strong>de</strong>. Toute cette<br />

rumeur que charrie l’air du temps, il doit tenter d’en saisir les enjeux et <strong>de</strong> transformer ceux-ci<br />

en une forme <strong>de</strong> question. Aldo, au fil du texte, est toujours celui qui interroge, qui cherche à<br />

comprendre ; le franchissement même <strong>de</strong> la ligne <strong>de</strong>s patrouilles se présente comme une<br />

question, dont la réponse se décline d’abord sous la forme d’un triple coup <strong>de</strong> canon, puis se<br />

poursuit par la visite <strong>de</strong> l’envoyé du Farghestan. Dans cet entretien aussi, Aldo est dans une<br />

position majoritairement interrogative. Sa <strong>de</strong>rnière question, en particulier, mérite d’être<br />

mentionnée : l’envoyé lui a précisé qu’un désaveu <strong>de</strong> la part d’Orsenna permettrait <strong>de</strong> faire<br />

passer cette expédition nocturne pour « une espèce… d’insomnie » 836 et d’en désamorcer les<br />

conséquences. Au moment précis où l’envoyé s’apprête à partir, Aldo lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « mais où<br />

vous adresser la réponse ? » – ce à quoi l’autre répond : « vous ne vous ren<strong>de</strong>z pas justice. Il<br />

n’y en aura pas », avant <strong>de</strong> s’éclipser, laissant la porte battre « silencieusement sur la nuit »<br />

(p. 763). Cette réplique est symptomatique d’un équilibre symbolique où Aldo est celui qui<br />

pose les questions ; pas celui qui donne les réponses.<br />

La <strong>de</strong>rnière trace <strong>de</strong> cette position interrogative arrive à la <strong>de</strong>rnière page du roman : le vieux<br />

Danielo résume <strong>de</strong> la façon suivante tout le mouvement qui est à présent lancé et qui ne<br />

s’arrêtera pas :<br />

Il ne s’agissait pas <strong>de</strong> bonne ou <strong>de</strong> mauvaise politique. Il s’agissait <strong>de</strong> répondre à une<br />

question – à une question intimidante – à une question que personne encore au mon<strong>de</strong><br />

n’a pu jamais laisser sans réponse, jusqu’à son <strong>de</strong>rnier souffle. […] Qui vive ?<br />

(p. 839)<br />

Cette question, c’est le mon<strong>de</strong> qui y répond ; Aldo, <strong>de</strong> son côté, n’a fait que la poser.<br />

<strong>En</strong> ce sens, s’il subsistait une part d’Œdipe en Albert dans son rapport au signe, toute la<br />

dimension œdipienne d’Aldo se trouve transférée dans les structures relationnelles, comme<br />

nous l’avons vu (cf. pp. 453), mais son rapport aux signes du mon<strong>de</strong> est intimement celui du<br />

<strong>quête</strong>ur percevalien.<br />

836 GRACQ, Le Rivage <strong>de</strong>s Syrtes, p. 762.<br />

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