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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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A la fin <strong>de</strong> cette aventure, nous savons donc que le diabolique œuvre essentiellement à<br />

priver le discours <strong>de</strong> sa relation au vrai en perturbant la fonction <strong>de</strong> désignation qui<br />

lui est dévolue. 812<br />

Pourtant, à mesure que le texte avance, il semble que cette belle machine à générer <strong>de</strong> la<br />

transparence et <strong>de</strong> la lisibilité se grippe quelque peu. J’ai déjà mentionné (ci-<strong>de</strong>ssus p. 246) cet<br />

épiso<strong>de</strong> très étonnant qui fait intervenir Tristan dans la Quatrième Continuation. Celui-ci est<br />

déguisé en ménestrel et apparaît comme une sorte d’opposé <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> en termes <strong>de</strong> rapport<br />

aux signes. La confrontation entre les <strong>de</strong>ux chevaliers, aussi étonnant que cela puisse paraître,<br />

ne tourne pas à l’avantage manifeste <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>, mais surtout, il semble que notre pur<br />

chevalier soit comme contaminé par le rapport tristanien aux signes : dans la suite du texte,<br />

nous le verrons par exemple utiliser le mensonge pour tromper le diable en le prenant à son<br />

propre piège (vv. 14’351-556), se moquer d’un adversaire avec une ironie sarcastique qui ne<br />

lui ressemble guère (v. 16’354), et même chercher à se tirer d’un mauvais pas par un<br />

mensonge plus directement utilitaire, lorsque, tombé entre les mains <strong>de</strong>s fils du Chevalier<br />

Vermeil, il raconte <strong>de</strong> façon pour le moins incomplète les circonstances dans lesquelles il a<br />

tué ledit chevalier (vv. 11’016-67).<br />

Il semble donc que l’entreprise <strong>de</strong> clarification <strong>de</strong>s signes ne soit pas si facile à mener et que<br />

même un héros aussi vaillant que <strong>Perceval</strong> se trouve en permanence confronté à la duplicité et<br />

à l’épaisseur <strong>de</strong> signes qu’il ne parvient jamais à rendre parfaitement transparents. Sans doute<br />

est-ce aussi ce qui fait l’intérêt du personnage, si on le compare au Galaad <strong>de</strong> la Queste, qui<br />

ne laisse rien subsister dans une ombre que le récit s’attache à répudier systématiquement,<br />

avec l’abondant concours <strong>de</strong> ses armées d’ermites et <strong>de</strong> recluses… Si <strong>Perceval</strong> apparaît<br />

fondamentalement comme un déchiffreur toujours susceptible <strong>de</strong> se tromper, Galaad, <strong>de</strong> son<br />

côté, amène avec lui le <strong>de</strong>ssèchement d’une lettre toute entière exhaussée et rendue inutile par<br />

l’épiphanie d’un sens qui est son seul fon<strong>de</strong>ment.<br />

Ainsi, la Quatrième Continuation paraît confirmer la pertinence qu’il y a à percevoir <strong>Perceval</strong><br />

comme une figure <strong>de</strong> lecteur : ce n’est qu’après avoir « appris à lire », comme le dit<br />

explicitement Gerbert (v. 8269), que <strong>Perceval</strong> pourra revenir chez le Roi Pêcheur et sou<strong>de</strong>r<br />

pour <strong>de</strong> bon l’épée brisée, masquant ainsi parfaitement cette « escriuture » qui persistait à<br />

maintenir son opacité entre semblance et senefiance et, par cela même, à relancer le récit dans<br />

une <strong>quête</strong> <strong>de</strong> sens toujours renouvelée.<br />

812 Ibid., p. 329.<br />

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