30.06.2013 Views

En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

« l’inventeur conscient […] d’une nouvelle chausse-trape littéraire : l’œuvre inachevée » 849 ,<br />

on peut alors ajouter cette mise en abyme au nombre <strong>de</strong>s indices que le texte donne <strong>de</strong> son<br />

propre inachèvement : à l’instar <strong>de</strong> l’épée, qui est la <strong>de</strong>rnière œuvre du forgeron Triboët<br />

(Trébuchet), c’est le récit lui-même, cette <strong>de</strong>rnière œuvre <strong>de</strong> Chrétien, qui est appelé à se<br />

briser à un moment décisif.<br />

Voilà qui explique peut-être en partie la place centrale que cette épée brisée occupera dans<br />

une gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong> la littérature du graal <strong>de</strong>s décennies suivantes. Dès la Première<br />

Continuation, l’épée brisée est ajoutée au cortège du graal et Gauvain s’essaie, sans plus <strong>de</strong><br />

succès que le <strong>Perceval</strong> <strong>de</strong> la Deuxième Continuation, à la ressou<strong>de</strong>r.<br />

Et puisque la métaphore <strong>de</strong> l’épée brisée renvoie manifestement à une question <strong>de</strong><br />

« conjointure », il est intéressant <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> plus près la façon dont les Troisième et<br />

Quatrième Continuations viennent se greffer sur la <strong>de</strong>uxième, peu après l’épiso<strong>de</strong> où <strong>Perceval</strong><br />

ressou<strong>de</strong> l’épée.<br />

Dans six <strong>de</strong>s sept manuscrits que nous possédons <strong>de</strong> la Troisième Continuation (celle <strong>de</strong><br />

Manessier, donc), celle-ci s’enchaîne directement à la Deuxième. Dans le <strong>de</strong>rnier manuscrit, et<br />

dans un autre qui semble configuré <strong>de</strong> la même façon, mais dont la partie Manessier est<br />

presque totalement perdue, la Continuation <strong>de</strong> Gerbert se glisse entre la Deuxième et la<br />

Troisième Continuation.<br />

Or, au niveau <strong>de</strong> la conjointure, le début du texte <strong>de</strong> Manessier ne laisse pas <strong>de</strong> surprendre<br />

quelque peu : dans la Deuxième Continuation, <strong>Perceval</strong> venait <strong>de</strong> réussir presque à ressou<strong>de</strong>r<br />

l’épée, mais la petite fêlure qui subsiste le plonge dans un profond désespoir et il pousse <strong>de</strong> si<br />

grands soupirs que toute l’assemblée en est peinée. Le roi, pourtant « grant joie an a » ; il<br />

témoigne à <strong>Perceval</strong> son attachement indéfectible et, tandis qu’on emporte l’épée,<br />

« Percevaux se reconforte » 850 .<br />

Et sans aucune transition (ni saut <strong>de</strong> ligne, ni gran<strong>de</strong> majuscule), le texte <strong>de</strong> Manessier<br />

enchaîne ainsi :<br />

Qui <strong>de</strong> l’avanture a tel joie<br />

Que je ne cuit mie que j’oie<br />

Jamés <strong>de</strong> tel joie parler. 851<br />

849 HÜE, "Polyphonie du Graal - Introduction", p. 7.<br />

850 [WAUCHIER DE DENAIN], The Second Continuation, p. 512.<br />

851 MANESSIER, The Third Continuation, p. 1.<br />

539

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!