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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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<strong>de</strong>ux à s’apercevoir étrangement qu’ils ont bien plus à faire l’un avec l’autre, bien<br />

plus <strong>de</strong> choses en commun qu’ils ne peuvent le saisir sur le moment. 648<br />

Cet infléchissement avait d’ailleurs été, en quelque sorte, préparé par les images que<br />

Syberberg montre sur le prélu<strong>de</strong> : on y voit la scène inaugurale au cours <strong>de</strong> laquelle l’enfant<br />

Parsifal est ébloui par trois chevaliers qui le soustraient à sa mère, que l’on voit d’abord avec<br />

son fils, puis reposant, morte. Mais ce qu’il faut surtout noter, c’est que l’actrice qui joue la<br />

mère <strong>de</strong> Parsifal est la même qui jouera par la suite le rôle <strong>de</strong> Kundry. Sans suggérer, bien<br />

entendu, que Kundry et Herzelei<strong>de</strong> ne feraient qu’une, Syberberg place d’entrée <strong>de</strong> jeu une<br />

amorce qui ren<strong>de</strong> possible une forme <strong>de</strong> reconnaissance, ce qui autorise l’idée que Parsifal et<br />

Kundry ont « plus <strong>de</strong> choses en commun qu’ils ne peuvent le saisir » au moment <strong>de</strong> leur<br />

première rencontre. Et surtout, cette double amorce donne un poids supplémentaire à la façon<br />

dont Kundry, au <strong>de</strong>uxième acte, jouera explicitement sur ce qui la rapproche <strong>de</strong> Herzelei<strong>de</strong><br />

pour attirer Parsifal dans ses rêts.<br />

Au <strong>de</strong>uxième acte, en effet, après que « Parsifal a vaincu les Filles, leur gentil / Babil et la<br />

luxure amusante », comme dit Verlaine, voici qu’arrive « la Femme belle, au cœur subtil » 649 .<br />

Nous avons déjà évoqué cette scène à propos <strong>de</strong> la façon dont Wagner parvient à motiver d’un<br />

point <strong>de</strong> vue dramaturgique <strong>de</strong>s récits d’événements passés (cf. p. 218). Après avoir relevé le<br />

« paradoxe d’un drame hagiographique » où le rôle le plus long est celui <strong>de</strong> Gurnemanz, tout<br />

à fait secondaire du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’action, Dahlhaus note que<br />

un contre-exemple, ou une exception à ceci, est donné par le récit <strong>de</strong> Kundry au 2ème<br />

acte, à propos d'Herzelei<strong>de</strong>, la mère <strong>de</strong> Parsifal. Ce récit, apparemment un épiso<strong>de</strong>,<br />

est en réalité un élément déterminant <strong>de</strong> la scène <strong>de</strong> la séduction, scène qui n'a pu être<br />

interprétée que sous la lumière <strong>de</strong> la psychanalyse. 650<br />

Les filles-fleurs n’ont pas réussi à capturer Parsifal par leurs charmes. Au moment où celui-ci<br />

les repousse et cherche à s’enfuir, Kundry appelle Parsifal par son nom, alors que le jeune<br />

homme l’avait oublié 651 . Lui qui a résisté aux parfums envoûtants <strong>de</strong>s filles-fleurs, le voilà<br />

gagné par les effluves du souvenir : « Parsifal ?... So nannte träumend mich einst die Mutter »<br />

648<br />

HANS JÜRGEN SYBERBERG, Parsifal. Notes sur un film, trad. Clau<strong>de</strong> Porcell, <strong>Paris</strong>: Gallimard, "Cahiers du<br />

cinéma", 1982, p. 69.<br />

649<br />

VERLAINE, Oeuvres poétiques complètes, p. 427.<br />

650<br />

DAHLHAUS, Les Drames musicaux <strong>de</strong> Richard Wagner, p. 156.<br />

651<br />

La découverte tardive du nom, nous l’avons déjà noté, est un élément pour lequel Wagner renoue avec<br />

Chrétien, par <strong>de</strong>là Wolfram qui ne l’avait (presque) pas conservé. On peut toutefois noter qu’il y a en quelque<br />

sorte une inversion du mouvement relatif à la mère : si la découverte par <strong>Perceval</strong> <strong>de</strong> son nom, au sortir du<br />

château du graal, pouvait être lue comme une étape fondamentale dans son émancipation <strong>de</strong> la sphère maternelle,<br />

le nom lancé par Kundry plonge au contraire Parsifal au sein même <strong>de</strong> cette sphère maternelle. Dans ce <strong>de</strong>rnier<br />

cas, le nom (re)découvert est celui qu’employait la mère, tandis que chez Chrétien, au contraire, il s’agit d’un<br />

nom qui se substitue au « beau fils » par lequel la mère avait toujours appelé son fils sans nom propre.<br />

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