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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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ne saurait être un ré<strong>de</strong>mpteur qu’en maintenant, dans la compassion même, sa différence et sa<br />

singularité.<br />

<strong>En</strong> termes <strong>de</strong> lecture, il en va <strong>de</strong> même : la participation totale et fusionnelle ne saurait être le<br />

meilleur mo<strong>de</strong> d’appréhension d’un texte. Non seulement, elle empêche la prise <strong>de</strong> distance<br />

nécessaire à la lucidité d’un regard critique, mais elle engage en outre le lecteur dans <strong>de</strong>s<br />

dangers dont l’Hidalgo <strong>de</strong> la Manche nous fournit un bon exemple, mettant à mal le contrat <strong>de</strong><br />

« feintise ludique partagée » qui, selon Jean-Marie Schaeffer, permet <strong>de</strong><br />

bloquer le passage <strong>de</strong>s mimèmes vécus en état d’immersion au module mental qui, en<br />

l’absence <strong>de</strong> ce « frein moteur » pragmatique [i.e. l’accord <strong>de</strong> feintise ludique<br />

partagée], les traiterait comme les représentations qu’ils se bornent à imiter. 835<br />

Parsifal, malgré ce qui le rapproche peut-être <strong>de</strong> Don Quichotte, ne tombe pas dans ce piège ;<br />

la compassion qui le gagne ne l’amène pas à saigner vraiment <strong>de</strong> la blessure d’Amfortas ni à<br />

porter sur ses épaules la croix <strong>de</strong> toute l’humanité souffrante. Il comprend le sens le plus<br />

intime <strong>de</strong>s signes qu’il lit, mais il parvient à se préserver d’une noya<strong>de</strong> dans leur étouffante<br />

emprise.<br />

Une fois <strong>de</strong> plus, Wagner, sur cette question, se montre plus conclusif, voire plus<br />

triomphaliste, que les auteurs médiévaux : là où le <strong>Perceval</strong> <strong>de</strong> Chrétien et <strong>de</strong> ses<br />

continuateurs se démène tant bien que mal dans une forêt <strong>de</strong> signes complexes, le Parsifal<br />

wagnérien passe d’un seul coup d’un aveuglement profond à une clairvoyance presque<br />

absolue. Le doute, ce « zwîvel » si important chez Wolfram, n’obscurcit guère que les<br />

entractes <strong>de</strong> l’œuvre. Parsifal n’est plus le déchiffreur anxieux ; il est le lecteur triomphant,<br />

plus proche, en cela, du Galaad que du <strong>Perceval</strong> médiéval, dont on pourrait dire qu’il se<br />

substitue à <strong>Perceval</strong> au moment où le <strong>quête</strong>ur cesse d’être essentiellement celui qui cherche<br />

pour <strong>de</strong>venir celui qui trouve.<br />

• Remise en question gracquienne<br />

Mais ce que Parsifal trouve grâce à Wagner ne lui est pas acquis pour l’éternité, et il va<br />

bientôt recommencer à chercher, à questionner, à décrypter. Ainsi, le <strong>Perceval</strong> gracquien est-il<br />

très clairement, à nouveau, un déchiffreur. C’est certainement pour cette raison que, dans Le<br />

Roi Pêcheur, il repart <strong>de</strong> Montsalvage sans avoir posé la question attendue : parce qu’elle<br />

835 JEAN-MARIE SCHAEFFER, Pourquoi la fiction?, <strong>Paris</strong>: Seuil, "Poétique", 1999, p. 192.<br />

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