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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Tressan serait-il allé rechercher le « manuscrit en question » pour avoir le droit d’affirmer<br />

qu’il l’a sous les yeux, pour reprendre à son compte le « nous » et reproduire ainsi l’acte <strong>de</strong><br />

contestation <strong>de</strong> son prédécesseur ? On peut en douter, d’autant plus que les quelques éléments<br />

<strong>de</strong> son cru qu’il ajoute aux commentaires philologiques <strong>de</strong> Paulmy sont tout à fait déplacés,<br />

qu’ils concernent l’évaluation du nombre <strong>de</strong> vers du <strong>Perceval</strong> 237 ou le lien entre <strong>Perceval</strong> et<br />

un autre texte nommé Le Chevalier à l’épée.<br />

<strong>En</strong> effet, les <strong>de</strong>ux rédacteurs ajoutent, après leur résumé <strong>de</strong>s aventures <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>, un bref<br />

récit intitulé Le Chevalier à l’épée : Tressan, transposant à peu près les termes <strong>de</strong> Paulmy,<br />

commet pourtant une erreur en disant que « ce Conte est jetté dans le tissu du <strong>Perceval</strong> en<br />

vers » 238 , là où Paulmy disait simplement : « […] que nous avons lu dans le Roman en vers <strong>de</strong><br />

<strong>Perceval</strong> » 239 . Or, dans le seul manuscrit où l’on trouve à la fois le texte <strong>de</strong> Chrétien et ce<br />

Chevalier à l’épée, écrit par un épigone <strong>de</strong> Chrétien <strong>de</strong> Troyes 240 , les <strong>de</strong>ux textes sont bien<br />

séparés, et le second n’est bien entendu pas « jetté dans le tissu » du premier 241 . Le fait que<br />

Paulmy ait eu accès à ce manuscrit bernois n’est d’ailleurs pas sans intérêt : le catalogue <strong>de</strong> la<br />

bibliothèque <strong>de</strong> l’Arsenal indique qu’il s’agit d’une copie exécutée à Berne pour le compte<br />

d’un autre érudit <strong>de</strong> l’époque, proche <strong>de</strong> Paulmy : Lacurne <strong>de</strong> Sainte-Palaye 242 . Cette note<br />

nous révèle donc que les bibliophiles érudits <strong>de</strong> l’époque, loin <strong>de</strong> ne s’intéresser aux livres<br />

que comme objets, étaient au contraire suffisamment intéressés par leur contenu pour faire<br />

recopier scrupuleusement <strong>de</strong>s manuscrits médiévaux et pour les faire relier (Martin indique<br />

une « <strong>de</strong>mi-reliure <strong>de</strong> veau chagriné ») afin <strong>de</strong> les conserver précieusement.<br />

237<br />

Il n’y a pas lieu d’entrer ici dans les détails, mais je résume tout <strong>de</strong> même le problème en <strong>de</strong>ux mots : Paulmy<br />

évalue la taille du <strong>Perceval</strong> à environ 20'000 vers, s’appuyant sur le fait que ce texte n’occupe qu’un tiers du<br />

manuscrit qu’il dit avoir sous les yeux, lequel contient « trois Ouvrages différens » : « Le Saint-Graal, Lancelotdu-Lac<br />

& <strong>Perceval</strong> » (p. 342). Ces trois parties font spontanément penser à <strong>de</strong>s fragments du cycle Vulgate ;<br />

mais Paulmy parle explicitement <strong>de</strong> vers, et on peut difficilement supposer que ce bibliophile averti n’ait pas<br />

constaté, s’il avait sous les yeux un volume <strong>de</strong> prose, que celui-ci ne pouvait correspondre à celui que mentionne<br />

Lenglet – lequel, au <strong>de</strong>meurant, est très vraisemblable : le manuscrit BN 12'576 doit compter environ 60'000<br />

vers. Or il se trouve justement, si l’on en croit Henry Martin, que ce manuscrit avait appartenu à Paulmy avant <strong>de</strong><br />

disparaître dans <strong>de</strong>s conditions inconnues puis d’être vendu à la Bibliothèque Nationale en 1853 (cf. HENRY<br />

MARTIN, Catalogue <strong>de</strong>s manuscrits <strong>de</strong> la bibliothèque <strong>de</strong> l'Arsenal, <strong>Paris</strong>: Plon, 1887, pp. 181-2 du tome III).<br />

Probablement Paulmy ne l’avait-il pas encore acquis en 1775, mais il n’en <strong>de</strong>meure pas moins qu’on voit mal sur<br />

quel manuscrit il pourrait fon<strong>de</strong>r sa remarque. Pour ce qui est <strong>de</strong> Tressan, il est assez clair qu’il ne fait que<br />

reprendre les termes <strong>de</strong> Paulmy, auxquels il ajoute une remarque <strong>de</strong> son cru qui consiste à affirmer que c’est en<br />

retranchant la partie relative à Gauvain qu’on arriverait à ces quelque 20'000 vers, ce qui atteste une évi<strong>de</strong>nte<br />

méconnaissance <strong>de</strong>s manuscrits.<br />

238<br />

Bibliothèque Universelle <strong>de</strong>s Romans, nov. 1783, p. 101 (XVII, p. 337).<br />

239<br />

Ibid., nov. 1775, p. 84 (I, p. 354).<br />

240<br />

Voir, à ce propos, l’introduction d’Emmanuèle Baumgartner dans La Légen<strong>de</strong> arthurienne. Le Graal et la<br />

Table ron<strong>de</strong>, dir. Danielle Régnier-Bohler, <strong>Paris</strong>: Laffont, "Bouquins", 1989, pp. 511-3.<br />

241<br />

Il s’agit du manuscrit 354 <strong>de</strong> la Stadtbibliothek <strong>de</strong> Berne ; le Chevalier à l’épée y occupe les feuillets 16 à 26,<br />

tandis que le texte <strong>de</strong> Chrétien s’étend entre les feuillets 208 et 283 (cf. Les Manuscrits <strong>de</strong> / the Manuscripts of<br />

Chrétien <strong>de</strong> Troyes, dir. Keith Busby et alii, Amsterdam/Atlanta: Rodopi, 1993, p. 33 du vol. II).<br />

242<br />

Cf. MARTIN, Catalogue <strong>de</strong>s manuscrits <strong>de</strong> la bibliothèque <strong>de</strong> l'Arsenal, pp. 181-2 du tome III.<br />

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