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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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dans Tannhäuser, la cour du Landgrave Hermann jouxte le Venusberg, et Lohengrin est mené<br />

par son cygne du Royaume du Graal à la cour du Brabant 356 .<br />

Wagner s’est beaucoup exprimé sur ce passage <strong>de</strong> l’histoire au mythe dans ses œuvres. Cette<br />

question est au centre d’Une Communication à mes amis, qui date <strong>de</strong> l’été 1851. Wagner<br />

cherche à y montrer que ses premiers opéras correspondaient déjà à l’idéal du drame musical<br />

qu’il est en train d’affiner et que leur décor historique n’est qu’une faça<strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière laquelle se<br />

cache le mythe. Il relit ainsi les sujets <strong>de</strong> ses premiers ouvrages à l’aune <strong>de</strong>s grands mythes<br />

pré-chrétiens : le Hollandais est associé à Ulysse ; Lohengrin reprend le schéma <strong>de</strong>s amours<br />

<strong>de</strong> Zeus et Sémélé.<br />

Même si ces interprétations rétrospectives ne sont, à l’évi<strong>de</strong>nce, pas conformes au geste <strong>de</strong><br />

composition, elles nous montrent néanmoins le développement <strong>de</strong> plus en plus caractérisé<br />

d’un modèle <strong>de</strong> pensée structurale du mythe, qui continuera <strong>de</strong> s’affirmer dans les années<br />

suivantes.<br />

Mais la position que Wagner affiche dans ce texte vis-à-vis du mythe et <strong>de</strong> l’histoire ne rend<br />

pas compte d’un processus plus complexe qui l’avait porté, un peu plus tôt, à ménager un<br />

statut intermédiaire entre l’histoire et le mythe : la légen<strong>de</strong>. Dans Une Communication à mes<br />

amis, mythe et légen<strong>de</strong> (Sage) ne sont pas distincts et sont regroupés en un front commun qui<br />

les oppose à l’histoire. Mais les <strong>de</strong>ux termes étaient clairement dissociés dans un texte très<br />

surprenant <strong>de</strong> 1849 : Les Wibelungen : histoire universelle tirée <strong>de</strong> la légen<strong>de</strong>. Dans ce texte<br />

d’un étonnant syncrétisme, Wagner associe l’histoire <strong>de</strong> Frédéric Ier au mythe <strong>de</strong>s<br />

Nibelungen, ajoutant encore que le trésor <strong>de</strong>s Nibelungen, idéalisé au gré <strong>de</strong> l’évolution<br />

historique <strong>de</strong>s mentalités 357 , serait <strong>de</strong>venu le graal, lui-même défini comme une relique<br />

conservée par un prêtre-roi dans les In<strong>de</strong>s lointaines… Mythe et histoire, on le voit, se mêlent<br />

allègrement ; mais dans ce texte, Wagner distingue d’une façon intéressante mythe et légen<strong>de</strong>,<br />

attribuant à cette <strong>de</strong>rnière le sens d’une incarnation dans l’histoire d’un principe mythique.<br />

356 Étant donné que je referai par la suite quelques allusions à l’histoire <strong>de</strong> Lohengrin, j’en résume à grands traits<br />

le canevas : Elsa <strong>de</strong> Brabant est accusée d’avoir tué son jeune frère ; un chevalier inconnu arrive dans une<br />

nacelle tirée par un cygne et se porte garant <strong>de</strong> son innocence. Il s’agit <strong>de</strong> Lohengrin (fils <strong>de</strong> Parsifal), qui promet<br />

d’épouser Elsa à condition qu’elle s’abstienne <strong>de</strong> l’interroger sur ses origines. Manipulée par la magicienne<br />

Ortrud, Elsa finit par interroger Lohengrin. Celui-ci répond à ses questions mais est obligé <strong>de</strong> quitter le mon<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s hommes pour retourner au Royaume du Graal.<br />

357 « <strong>En</strong> vérité, il est assez remarquable que la légen<strong>de</strong> du saint Gral entra dans le mon<strong>de</strong> lorsque l’empire prit sa<br />

tendance la plus idéale, au moment où le Trésor <strong>de</strong>s Nibelungen perdait <strong>de</strong> plus en plus sa valeur réelle, pour<br />

prendre une signification plus idéale. L’absorption spirituelle du Trésor dans le Gral fut accomplie dans la<br />

conscience alleman<strong>de</strong>, et le Gral, du moins avec l’interprétation qui en fut donnée par <strong>de</strong>s poètes allemands, doit<br />

être considéré comme le représentant idéal et le successeur du Trésor <strong>de</strong>s Nibelungen » (WAGNER, Oeuvres en<br />

prose, pp. 100-1 du vol. II).<br />

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