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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Il poursuit en précisant que si inceste il y a, c’est un inceste caché – caché dans le récit, et<br />

« par le récit même », ce qui en fait le contrepoint tacite d’un autre inceste, que le récit, au<br />

contraire, affirmera comme « moteur <strong>de</strong> la <strong>de</strong>struction du mon<strong>de</strong> chevaleresque : celui<br />

d’Arthur avec sa sœur (la mère <strong>de</strong> Gauvain), dont naît Mordret, par qui viendra la catastrophe<br />

finale » (p. 245).<br />

• Gauvain et l’attraction endogamique<br />

Nous avons déjà vu que le silence <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> dans le Conte du graal pouvait être interprété<br />

comme un refus <strong>de</strong> l’inceste. Lévi-Strauss justifiait cette lecture par <strong>de</strong>s arguments structuraux<br />

« larges », qui mettaient en relation <strong>de</strong>s motifs anthropologiques archétypaux ; Gouttebroze<br />

parvenait à la même conclusion, comme nous l’avons vu, par <strong>de</strong>ux biais différents. On<br />

pourrait ajouter à leurs observations quelques éléments fondés sur la composition même du<br />

texte <strong>de</strong> Chrétien. On a très peu parlé, jusqu’à présent, <strong>de</strong> la « partie Gauvain », bien qu’elle<br />

occupe environ la moitié du Conte du graal. Elle présente pourtant <strong>de</strong> nombreux intérêts,<br />

notamment si on la considère comme une sorte <strong>de</strong> miroir <strong>de</strong> la partie <strong>Perceval</strong>. Dans cette<br />

perspective, Antoinette Saly s’est livrée à une mise au jour aussi scrupuleuse qu’éclairante <strong>de</strong>s<br />

« symétries inverses » entre les <strong>de</strong>ux parties du roman. Son analyse comparée <strong>de</strong>s épiso<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />

Beaurepaire et d’Escavalon 626 ou encore <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux scènes <strong>de</strong> « Pietà » sous un chêne et <strong>de</strong>s<br />

enchaînements d’actions qui s’ensuivent 627 illustrent assez que les <strong>de</strong>ux parties du roman sont<br />

en très étroite relation.<br />

Dans ce sens, il est une autre symétrie qui mérite d’être observée <strong>de</strong> plus près : celle qui place<br />

le « château <strong>de</strong>s merveilles » en face du château du graal. Dans les <strong>de</strong>ux cas, l’épiso<strong>de</strong><br />

commence par la rencontre d’un homme sur une barque : l’un d’eux indique à <strong>Perceval</strong> le<br />

chemin du château du graal, dans lequel il lui servira un magnifique festin ; l’autre, après<br />

avoir reçu richement Gauvain, le conduit lui-même jusqu’aux portes du château <strong>de</strong>s<br />

merveilles. <strong>En</strong> chemin, ils croisent un « escacier » : un homme estropié dont une jambe est en<br />

argent fin, orné <strong>de</strong> pierres précieuses, qui est occupé à tailler un bâton, et avec lequel ils<br />

n’échangent aucune parole. L’apparition <strong>de</strong> ce personnage étrange, dont la fonction dans le<br />

récit paraît presque décorative, prend son sens si l’on songe qu’il conjugue en lui plusieurs<br />

caractères propres à ramener à l’esprit du lecteur une discrète réminiscence : richesse,<br />

occupation apparemment anodine, infirmité (dans la région <strong>de</strong>s jambes), et enfin manque <strong>de</strong> la<br />

626<br />

ANTOINETTE SALY, "Beaurepaire et Escavalon", dans Polyphonie du Graal, éd. Denis Hüe, Orléans:<br />

Paradigme, "Medievalia", 1998.<br />

627<br />

SALY, "La Récurrence <strong>de</strong>s motifs en symétrie inverse et la structure du <strong>Perceval</strong>".<br />

368

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