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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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La découverte <strong>de</strong> ce noyau coïnci<strong>de</strong> avec l’éviction <strong>de</strong> tout ce que l’art a pu y ajouter. <strong>En</strong> tant<br />

que tel, le cœur du mythe ne saurait être dit, et en tous cas pas dans un langage qui soit<br />

susceptible d’être produit comme œuvre <strong>de</strong> l’art, et à plus forte raison comme œuvre<br />

dramatique. Pas plus qu’elles ne <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt dans la rue, comme on disait en mai 68, les<br />

structures ne se hissent sur les planches d’un théâtre ou sur les murs d’un musée.<br />

Il importe donc, dans un <strong>de</strong>uxième temps, <strong>de</strong> dramatiser ce noyau structural, c’est-à-dire <strong>de</strong><br />

l’organiser dans une forme évolutive. <strong>En</strong> l’occurrence, l’efficacité maximale pour Wagner, en<br />

termes d’équilibre et <strong>de</strong> <strong>de</strong>nsité, semble être une structuration en trois temps, qui donne à<br />

Parsifal la structure élémentaire suivante : (1 er acte :) 1 ère scène du graal : échec / (3 ème acte :)<br />

2 ème scène du graal : succès / (et entre <strong>de</strong>ux, 2 ème acte :) baiser <strong>de</strong> Kundry. Dans le cas <strong>de</strong><br />

Tristan, les choses sont tout aussi nettes et les trois actes se correspon<strong>de</strong>nt aussi à trois<br />

moments forts : déclaration d’amour / consommation <strong>de</strong> l’amour / mort d’amour. Il faut<br />

ensuite, dans ce cadre, disposer savamment les tensions et les détentes. Wagner s’exprime<br />

clairement sur l’importance qu’il accor<strong>de</strong> au juste équilibre <strong>de</strong>s moments paroxystiques : s’ils<br />

sont trop nombreux, ils per<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> leur impact, et il faut se gar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> les rapprocher trop, faute<br />

<strong>de</strong> quoi il n’est plus possible <strong>de</strong> les motiver dramatiquement.<br />

Troisième étape du travail <strong>de</strong> Wagner : ce regroupement autour <strong>de</strong> trois moments provoque<br />

fatalement un abrègement <strong>de</strong> la matière dramatique et une redistribution <strong>de</strong> l’« action ». Mais<br />

Wagner précise bien que cette réduction <strong>de</strong> l’action ne doit pas être obtenue par <strong>de</strong>s coupures,<br />

mais par une con<strong>de</strong>nsation. Ce terme lui permet d’ailleurs <strong>de</strong> jouer sur les mots en associant<br />

« verdichten » (con<strong>de</strong>nser) 365 et « dichten » (poétiser, faire œuvre <strong>de</strong> poète) : le vrai poète,<br />

donc, est celui qui maîtrise parfaitement l’art <strong>de</strong> la con<strong>de</strong>nsation. On notera là encore que la<br />

démarche est intimement structurale.<br />

On n’a donc plus <strong>de</strong> scènes, plus d’épiso<strong>de</strong>s, mais une articulation <strong>de</strong> moments paroxystiques<br />

que Wagner prend le temps <strong>de</strong> motiver dramatiquement et qui concentrent en eux un poids<br />

considérable. A propos <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>nsification qu’il qualifie <strong>de</strong> « miracle <strong>de</strong> l’art », Wagner<br />

écrit :<br />

Hier wird in dichterischer Fiktion die ungeheure Kette <strong>de</strong>s Zusammenhanges<br />

verschie<strong>de</strong>nartigster Erscheinungen zum leicht überschaulichen Ban<strong>de</strong> weniger<br />

365 C’est ce même terme <strong>de</strong> Verdichtung (con<strong>de</strong>nsation) que Freud utilisera pour caractériser un <strong>de</strong>s aspects<br />

principaux du travail du rêve. Le parallèle n’est pas sans intérêt.<br />

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