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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Le jeune homme a donc en quelque sorte été vaincu par Amfortas, mais ce qui est<br />

fondamental, c’est qu’il a lui aussi eu à trancher son dilemme, et qu’il a choisi. Ainsi<br />

Amfortas peut-il dire à Kundry :<br />

Je l’ai traité mieux qu’un messie, mieux qu’un élu, mieux qu’un prophète. Je l’ai<br />

laissé choisir. Tu le poussais au Graal les yeux bandés, comme le bétail glorieux du<br />

sacrifice. J’ai préféré le traiter comme un homme. (p. 150)<br />

Amfortas reproche à Kundry une forme d’égoïsme : c’est pour satisfaire le désir <strong>de</strong> son cœur<br />

qu’elle est prête à sacrifier <strong>Perceval</strong>, sans mesurer que le geste qu’on attend <strong>de</strong> lui fera son<br />

malheur.<br />

Pourtant, le désir <strong>de</strong> Kundry, au contraire <strong>de</strong> celui d’Amfortas, n’a rien à voir avec son propre<br />

bien-être : elle sait bien ce que lui vaudra le retour du graal, mais elle n’hésite pas un instant à<br />

l’appeler <strong>de</strong> ses vœux les plus ar<strong>de</strong>nts : « Je sais que la venue du Graal se paie. Je sais que<br />

lorsqu’il brillera ici, je n’y vivrai plus. (Avec un grand élan). Mais même à ce prix, entends-<br />

tu, je le désire ! » (p. 111).<br />

A partir <strong>de</strong> la discussion entre Amfortas et Kundry qui suit l’exhibition <strong>de</strong> la blessure, les<br />

positions incarnées par l’un et l’autre se clarifient : l’ambivalence initiale d’Amfortas<br />

<strong>de</strong>meure en arrière-plan, comme une mauvaise conscience diffuse, mais il est manifeste, à<br />

présent, que le roi a choisi d’écarter <strong>Perceval</strong> pour préserver son propre statut, le repos du<br />

royaume, ou encore le bonheur <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>. Kundry, qui connaît aussi bien qu’Amfortas les<br />

dangers que représente le graal pour eux, est d’emblée dans la position inverse. Elle l’avait<br />

manifesté vigoureusement dès la discussion qu’elle avait eue avec Clingsor, au premier acte :<br />

J’aime mieux fouiller le sol <strong>de</strong> mes ongles et déterrer les racines avec mes <strong>de</strong>nts, et<br />

voir le soleil <strong>de</strong>ssus, à sa vraie place, et l’ombre ramper <strong>de</strong>ssous comme sous une bête<br />

qui se soulage, et ne plus dormir éveillée, dans un marais <strong>de</strong> songe, entre un eunuque<br />

et un mort-vivant. (p. 35)<br />

Amfortas et Kundry vont tous <strong>de</strong>ux, à leur façon, tenter d’influencer <strong>Perceval</strong>. Amfortas, nous<br />

l’avons vu, joue la première manche, et il s’en faut <strong>de</strong> peu qu’il n’emporte la partie en<br />

dévoilant sa blessure au jeune homme ; Kundry parvient pourtant à ramener <strong>Perceval</strong>, tant<br />

bien que mal, mais elle ne profite pas <strong>de</strong> son avantage momentané pour faire à celui-ci <strong>de</strong>s<br />

révélations qui pourraient être décisives. <strong>En</strong> particulier, elle ne mentionne aucunement le<br />

graal, dont elle sait pourtant qu’il est au cœur <strong>de</strong>s préoccupations <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>. Mais peu avant<br />

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