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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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ici réinjectée, en aval du récit, dans une fascination éprouvée par le lecteur. Quelque chose <strong>de</strong><br />

fondamental se joue dans ce renversement : les questions <strong>de</strong> croyance ou <strong>de</strong> vérité, dont nous<br />

avons vu qu’elles posaient <strong>de</strong> nombreux problèmes, se trouvent écartées au profit d’un effet<br />

du texte qui le rattache, a posteriori, à la sphère mythique. Et ce rattachement, Dabezies y<br />

insiste, est historique. Un récit n’est pas, en soi, un mythe, pour l’éternité ; au contraire, ce<br />

sont les conditions <strong>de</strong> sa réception dans un contexte socio-culturel donné qui permettront <strong>de</strong> le<br />

percevoir comme tel ou non.<br />

Cette nuance permet à Dabezies d’avancer une distinction tout à fait opératoire du « mythe »<br />

et du « thème » (débat terminologique qui a fait couler beaucoup d’encre, avec un succès<br />

pratique très relatif) : le mythe exprime, selon lui, « la constellation mentale dans laquelle un<br />

groupe social se reconnaît » 65 ; lorsque cette fascination cesse, le mythe re<strong>de</strong>vient un thème.<br />

Dabezies illustre son idée par l’exemple <strong>de</strong> Tristan (que l’on pourrait aisément remplacer par<br />

celui <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>), lequel apparaît comme mythe au XIIème siècle, et comme thème au<br />

XVIème.<br />

Je précise qu’il faut se gar<strong>de</strong>r d’entendre dans cette notion <strong>de</strong> fascination une sorte <strong>de</strong> résidu<br />

post-romantique, ou encore <strong>de</strong> s’en tenir à un usage courant, en vertu duquel toute admiration<br />

esthétique pourrait être appelée « fascination ». Ce dont il est question ici tient d’une certaine<br />

forme <strong>de</strong> « sacralité profane », c'est-à-dire d’un sentiment diffus qui, à la fois, est sevré <strong>de</strong><br />

toute croyance ou <strong>de</strong> tout rituel, mais puise sa force dans les racines profon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la<br />

conscience, en une source probablement bien proche <strong>de</strong> celle d’où émerge également le<br />

sentiment religieux. Cette fascination n’est donc pas liée à la Beauté ou aux qualités formelles<br />

d’un objet artistique, mais bien à la capacité d’un récit à établir un contact avec une forme<br />

d’imaginaire primitif. Elle s’ancre résolument en amont <strong>de</strong> la pensée réflexive et prend racine<br />

dans ces états qui, selon Bachelard, « sont ontologiquement au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> l’être et au-<strong>de</strong>ssus<br />

du néant » 66 , marqués par une sorte <strong>de</strong> « cogito naissant » 67 . C’est donc dans cet état pré-<br />

reflexif que naît la « fascination » telle qu’il faut l’entendre ici, qui est donc bien distincte <strong>de</strong><br />

l’admiration, et qui peut aussi, comme le relève Dabezies, revêtir un caractère répulsif.<br />

Par ces considérations sur la fascination, Dabezies rejoint le cadre définitionnel que propose<br />

Deremetz à la fin <strong>de</strong> son article :<br />

65 Ibid., p. 1180.<br />

66 GASTON BACHELARD, La Poétique <strong>de</strong> la Rêverie, <strong>Paris</strong>: P.U.F., "Quadrige", 1984 [1960], p. 95.<br />

67 Ibid., p. 131.<br />

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