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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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correspond à la lecture que <strong>Perceval</strong> fait lui-même, dans sa rêverie ou son « rêve éveillé ».<br />

Mais d’autre part, ce rouge sur ce blanc sont aussi les couleurs du sang s’écoulant sur la lance,<br />

lors <strong>de</strong> la scène du graal – ce que le texte précise à trois reprises (vv. 3197-8, 4657-8 et 6375-<br />

6). <strong>Perceval</strong>, <strong>de</strong>vant cette neige teintée <strong>de</strong> rouge, n’aurait-il pas pu se remémorer aussi bien<br />

son étrange aventure au château du graal ? Ou alors, peut-être aurait-il pu laisser les <strong>de</strong>ux<br />

« senefiances » se rejoindre dans cette « semblance » et comprendre alors ce qu’il pourrait y<br />

avoir <strong>de</strong> commun entre ces <strong>de</strong>ux manifestations <strong>de</strong> couleurs i<strong>de</strong>ntiques <strong>de</strong>vant lesquelles il est<br />

resté muet. La psychanalyse n’a pas manqué <strong>de</strong> suggérer que l’association <strong>de</strong> ces couleurs au<br />

visage <strong>de</strong> Blanchefleur n’était qu’une forme d’euphémisme masquant que la véritable tache<br />

rouge sur fond blanc <strong>de</strong>vait renvoyer plutôt à cette nuit où la jeune pucelle, jetant rapi<strong>de</strong>ment<br />

« un court manteau <strong>de</strong> soie écarlate » sur sa chemise, avait passé avec lui toute la nuit<br />

« bouche a boche, bras a bras » (v. 2068). Charles Méla note, en outre, que<br />

la semblance <strong>de</strong> Blanchefleur est la mise en absence du Semblant <strong>de</strong> la Lance ; elle<br />

s’écrit sur la neige comme la métaphore du désir, quand le sang épanché d’une femme<br />

prévaut sur le Vermeil renoncé <strong>de</strong> l’Arme. Car <strong>Perceval</strong>, l’oublierait-on ? se dresse<br />

lui-même, immobile, en sa rouge stature parmi la prairie blanche : il s’appuie sur sa<br />

« lance », qu’appelle à la rime, pour la dérober au regard, la « semblance » <strong>de</strong>s trois<br />

gouttes <strong>de</strong> sang […]. 579<br />

Qu’il s’agisse du souvenir d’un sang qui coula, occulté pudiquement <strong>de</strong>rrière la semblance<br />

d’un visage, ou qu’il s’agisse d’une prise <strong>de</strong> conscience <strong>de</strong> ce qui a été manqué, cette scène<br />

fait en tous cas figure d’étape significative dans le développement personnel et affectif du<br />

jeune chevalier. Nous reviendrons sur ces questions dans la partie suivante (cf. ci-<strong>de</strong>ssous<br />

p. 499).<br />

On peut par ailleurs signaler que <strong>de</strong>ux textes opèrent une jonction <strong>de</strong> la cérémonie du graal et<br />

du motif <strong>de</strong>s trois gouttes <strong>de</strong> sang. Le texte allemand La Couronne, <strong>de</strong> Heinrich von <strong>de</strong>m<br />

Türlin (vers 1230), ainsi que le Perlesvaus. Chez Heinrich von <strong>de</strong>m Türlin, l’épiso<strong>de</strong> prend<br />

place lors <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> visite <strong>de</strong> Gawein au château du graal. Après avoir défilé en cortège,<br />

les jeunes gens qui portent la lance et le « tobliere » (tailloir) posent ces objets sur une table,<br />

et c’est à ce moment que « par un mystère <strong>de</strong> Dieu la lance fit naître trois gran<strong>de</strong>s gouttes <strong>de</strong><br />

sang dans le plat qui se trouvait en <strong>de</strong>ssous » 580 . Gawein en est émerveillé et il interroge son<br />

hôte, provoquant ainsi l’allégresse <strong>de</strong> tous les convives, dont le chevalier apprend alors qu’ils<br />

579<br />

MELA, Blanchefleur et le saint homme ou la semblance <strong>de</strong>s reliques. Etu<strong>de</strong> comparée <strong>de</strong> littérature<br />

médiévale, p. 40.<br />

580<br />

Scènes du Graal, trad. Danielle Buschinger et alii, <strong>Paris</strong>: Stock, "Moyen-Âge", 1987, p. 235.<br />

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