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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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attendaient leur délivrance <strong>de</strong>puis que, en punition pour un fratrici<strong>de</strong> perpétré dans leur<br />

famille, ils étaient retenus dans un état entre vie et mort.<br />

Dans le Perlesvaus, nous l’avons vu, la configuration est la suivante : Gauvain assiste à la<br />

cérémonie du graal, à laquelle Perlesvaus a déjà assisté sans avoir posé <strong>de</strong> question. Mais<br />

Gauvain, tout pénétré <strong>de</strong> la pensée <strong>de</strong> Dieu, s’abîme dans la contemplation <strong>de</strong> trois gouttes <strong>de</strong><br />

sang sur la nappe, si bien que, malgré les invitations répétées <strong>de</strong>s chevaliers présents (et au<br />

contraire du Gawein <strong>de</strong> La Couronne), il oublie <strong>de</strong> parler… 581<br />

Étonnant réinvestissement d’un motif dans <strong>de</strong>s circonstances à la fois tout autres et<br />

singulièrement voisines, si l’on admet que le rapport <strong>de</strong> couleurs contemplé par <strong>Perceval</strong> peut<br />

aussi être la semblance <strong>de</strong> la scène du graal, et si l’on considère la forme subtile <strong>de</strong><br />

détournement qui, dans les <strong>de</strong>ux cas, est liée à cette image troublante.<br />

Robert Baudry se souviendra <strong>de</strong> cette configuration et la reprendra à son compte dans Vers le<br />

Graal : lors <strong>de</strong> la cérémonie, la lance perce le flanc <strong>de</strong> la « Dame-Oiselle » qui porte le graal,<br />

et<br />

Trois gouttes <strong>de</strong> sang pur s’éperlent par la Lance<br />

Sur la nappe. – Et je tombe en un vertigineux<br />

Rapt <strong>de</strong> mes sens, et <strong>de</strong> ma voix, mes yeux. 582<br />

A la <strong>de</strong>nsité archétypale que l’on peut lire sous cet épiso<strong>de</strong> du Conte du graal s’ajoute la<br />

simple beauté poétique <strong>de</strong> ce passage, qui a frappé plus d’un auteur mo<strong>de</strong>rne. Ainsi, Christian<br />

Bobin n’hésite-t-il pas à dater <strong>de</strong> ces quelques pages la naissance <strong>de</strong> la poésie : « la poésie<br />

commence là, dans ce chapitre, vers cette fin du douzième siècle, sur cinquante centimètres <strong>de</strong><br />

neige, quatre phrases, trois gouttes <strong>de</strong> sang » 583 .<br />

L’investissement <strong>de</strong> cet épiso<strong>de</strong> par Jean Giono est plus profond. On en trouve une première<br />

occurrence explicite dans Angelo (achevé en été 1945), où l’on peut noter l’inversion du<br />

motif, puisque c’est ici le visage d’une femme qui évoque le souvenir littéraire du sang sur la<br />

neige et <strong>de</strong> cet épiso<strong>de</strong> du Conte du graal : « […] et maintenant, <strong>de</strong>vant cette nuque <strong>de</strong> marbre<br />

et ces si beaux cheveux noirs, je suis hors <strong>de</strong> moi comme <strong>Perceval</strong> <strong>de</strong>vant les sang <strong>de</strong>s oies sur<br />

581 Cf. Le Haut Livre du Graal [Perlesvaus], p. 350.<br />

582 BAUDRY, Vers le Graal, p. 61.<br />

583 CHRISTIAN BOBIN, Une petite robe <strong>de</strong> fête, <strong>Paris</strong>: Gallimard, "N.R.F", 1991, p. 34.<br />

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