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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Une <strong>de</strong>s vertus <strong>de</strong> ce critère définitoire, pour Sellier, est qu’il lui permet <strong>de</strong> poser une frontière<br />

entre le mythe littéraire et une autre forme <strong>de</strong> récit qui, provenant aussi d’une origine<br />

indéterminée et reprise au fil <strong>de</strong> multiples réécritures, se caractérise également par la<br />

saturation symbolique et par la fermeté du tramage structurel : le conte <strong>de</strong> fées. Sellier règle<br />

rapi<strong>de</strong>ment son compte à ce genre, estimant qu’<br />

à coup sûr il [se] distingue radicalement [du mythe littéraire] par son immersion<br />

complaisante dans la quotidienneté (subtilement alliée au merveilleux) et par sa fin<br />

heureuse, à l’eau <strong>de</strong> rose. Malgré ses ogres et ses fées, le conte nous installe au ras <strong>de</strong><br />

la terre, d’ici-bas. Allez donc expliquer aux Caïn et aux don Juan que le terme <strong>de</strong> leur<br />

ar<strong>de</strong>ur et <strong>de</strong> leur tourment, c’est <strong>de</strong> se marier et d’avoir beaucoup d’enfants !<br />

(pp. 124-5)<br />

Ironie un peu facile, peut-être, et mépris un peu rapi<strong>de</strong>… Et puisque Sellier a manifestement<br />

lu Bruno Bettelheim, qu’il cite, on pourra s’étonner <strong>de</strong> le voir qualifier <strong>de</strong> fin « à l’eau <strong>de</strong><br />

rose » ce qui, comme l’a noté (entre autres) Clau<strong>de</strong> Brémond 34 , fait partie <strong>de</strong> la dynamique<br />

profon<strong>de</strong> du conte et <strong>de</strong> son efficacité symbolique 35 . Mais surtout, il n’est pas certain que<br />

« Jacques ou le haricot géant », par exemple, contienne moins <strong>de</strong> « Regard vertical » que<br />

l’Antigone <strong>de</strong> Brecht. Certes, il apparaît clairement que nous ne sommes pas dans le même<br />

régime <strong>de</strong> transcendance, mais je doute que ce soit cet aspect-là qui permet <strong>de</strong> distinguer le<br />

mythe du conte 36 .<br />

Quoi qu’il en soit, le critère <strong>de</strong> l’éclairage métaphysique ne me paraît pas décisif dans la<br />

définition du mythe littéraire. Les <strong>de</strong>ux autres critères proposés par Sellier (surdétermination<br />

symbolique et <strong>de</strong>nsité structurelle), en revanche, me semblent extrêmement pertinents, et il est<br />

indubitable qu’ils doivent apparaître dans toute définition crédible du mythe littéraire.<br />

34 CLAUDE BREMOND, "Les Bons récompensés et les méchants punis. Morphologie du conte merveilleux<br />

français", dans Sémiotique narrative et textuelle, éd. Clau<strong>de</strong> Chabrol et al., <strong>Paris</strong>: Larousse, "Collection L",<br />

1973, pp. 96-121.<br />

35 Efficacité symbolique que Bettelheim qualifie même <strong>de</strong> « cathartique » (cf. BRUNO BETTELHEIM,<br />

Psychanalyse <strong>de</strong>s contes <strong>de</strong> fées, trad. Théo Carlier, <strong>Paris</strong>: Robert Laffont, "Réponses", 1976, p. 119).<br />

36 Il me semble qu’il faudrait chercher ce critère distinctif plutôt du côté du <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> formalisation <strong>de</strong>s enjeux<br />

symboliques : le conte reste dans une symbolisation extrêmement simple et stéréotypée, tandis que le mythe<br />

diversifie nettement les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> représentation. Sans doute serait-il impossible d’appliquer au mythe un modèle<br />

fonctionnel du type <strong>de</strong> celui que Propp a développé pour les contes. Comme le dit Véronique Gély, dans le<br />

conte, « ce ne sont pas les noms <strong>de</strong>s héros, ni même les héros, qui importent, qui différencient un conte d’un<br />

autre, mais les actes, les faits, les fonctions et leur arrangement » (VÉRONIQUE GÉLY, L'Invention d'un mythe:<br />

Psyché. Allégorie et fiction, du siècle <strong>de</strong> Platon au temps <strong>de</strong> La Fontaine, <strong>Paris</strong>: Honoré Champion, "Lumière<br />

classique", 2006, p. 25).<br />

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