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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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se présente comme « un lever <strong>de</strong> soleil au matin <strong>de</strong> la route », alors que lui a « déjà choisi » ;<br />

contre « la vie », il a choisi « la mort tranquille – la certitu<strong>de</strong> » 696 . « Le désir trouble toujours,<br />

<strong>Perceval</strong>. J’ai vécu dix ans ici, seul, et j’ai réussi à engourdir le mon<strong>de</strong> sous mon regard »<br />

(p. 69). Comme Amfortas, comme Clingsor, il est <strong>de</strong> ceux qui ont accoutumé leur œil au<br />

<strong>de</strong>mi-jour, qui ont su construire un équilibre personnel dans ce mon<strong>de</strong>, qui ont appris à y<br />

respirer, et qui, pour toutes ces raisons, craignent l’événement auquel Kundry aspire tant.<br />

<strong>En</strong>tre ces <strong>de</strong>ux groupes, <strong>Perceval</strong> est celui qui arrive. Il ne connaît rien du mon<strong>de</strong> dans lequel<br />

il pénètre – ni, d’ailleurs, du mon<strong>de</strong> en général. Il sent le mystère profond, oppressant, qui<br />

pèse sur ce pays : les brouillards humi<strong>de</strong>s et le <strong>de</strong>mi-jour sans soleil s’adjoignent aux énigmes<br />

<strong>de</strong> paroles toujours incomplètes, lestées <strong>de</strong> quelque obscur secret :<br />

[…] ici tout me dévisage si ironiquement. Tout est si vieux, sans âge – si plein <strong>de</strong><br />

secrets et <strong>de</strong> mystère..... et je me sens tout seul, comme un enfant ignorant dont le cœur<br />

bat trop vite. (p. 92)<br />

<strong>Perceval</strong> est donc d’abord celui qui pénètre dans un mon<strong>de</strong> mystérieux, dont il ne comprend<br />

pas les lois, mais qui le fascine et l’oppresse tout à la fois. Il est celui en qui se joue ce<br />

combat, matérialisé dans le mon<strong>de</strong> par les « couleurs » contrastées <strong>de</strong> Kundry et d’Amfortas,<br />

entre la tentation d’aller jusqu’au bout, <strong>de</strong> franchir ce qui se présente comme une très<br />

imprécise barrière, ou alors <strong>de</strong> renoncer à cette transgression qui tient peut-être <strong>de</strong> l’orgueil<br />

(p. 63), peut-être <strong>de</strong> la lubie sans fon<strong>de</strong>ment (p. 67), ou qui, peut-être, présente un danger trop<br />

grand : la certitu<strong>de</strong>, la possession, la fin <strong>de</strong>s aventures (pp. 139-43). Il est « celui qui n’est pas<br />

encore <strong>de</strong>venu » (p. 81), comme le dit Amfortas, dans une expression parfaitement<br />

synthétique.<br />

3. Le Rivage <strong>de</strong>s Syrtes : le mythe comme structure muette<br />

Cette structure relationnelle est exactement celle que l’on retrouve, encore accentuée, dans le<br />

roman suivant <strong>de</strong> Julien Gracq : Le Rivage <strong>de</strong>s Syrtes.<br />

Cette fois-ci, toute mention explicite du mythe <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> est absente, mais le dépistage<br />

systématique auquel nous avons soumis les structures relationnelles d’Argol et du Roi<br />

Pêcheur ne nous permet pas d’ignorer cette frappante similitu<strong>de</strong>. Et si les hypothèses que j’ai<br />

formulées quant à la genèse <strong>de</strong> cette cristallisation sont fondées, il faut alors lire ce<br />

696 Voilà qui rappelle bien la discussion <strong>de</strong> Parsifal et du pénitent dans le texte <strong>de</strong> Lienhard évoqué<br />

précé<strong>de</strong>mment (cf. ci-<strong>de</strong>ssus p. 273).<br />

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