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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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cette fonction. Dans ce sens, Le Rivage <strong>de</strong>s Syrtes marque une étape cruciale dans la réécriture<br />

du mythe <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> par Gracq : tandis que les trois premiers opus entérinaient tous, d’une<br />

façon ou d’une autre, la position centrale d’Amfortas et le caractère irrémédiablement second<br />

<strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>, Le Rivage <strong>de</strong>s Syrtes retourne la perspective et parvient à remettre, en quelque<br />

sorte, <strong>Perceval</strong> au centre <strong>de</strong> son mythe. Et il paraît manifeste que c’est à travers cette figure<br />

d’« homme du <strong>de</strong>stin » que la balance se renverse.<br />

Mais le retournement n’est pas tout à fait subit ; <strong>de</strong> même que la révolution, selon cette<br />

perspective historique, n’est que la réalisation d’une progressive évolution, <strong>de</strong> même<br />

l’avènement <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> en position d’homme du moment a été en quelque sorte préparée au<br />

fil <strong>de</strong>s textes. Dans Argol, la situation est très tranchée : Herminien est celui qui agit et Albert<br />

ne peut qu’avouer son éviction. Un beau ténébreux reprend plus ou moins cette structure où<br />

Allan occupe incontestablement la place centrale. Le Roi Pêcheur aussi maintient la<br />

prépondérance <strong>de</strong> la blessure et s’achève sur l’incapacité <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> à renverser Amfortas,<br />

qui reste donc au centre du mon<strong>de</strong> ; mais une subtile différence s’est introduite, qui tient<br />

essentiellement à une question <strong>de</strong> temporalité : dans les <strong>de</strong>ux premiers textes, « Amfortas » et<br />

« <strong>Perceval</strong> » sont contemporains, tandis que le Roi Pêcheur <strong>de</strong> la pièce est déjà établi <strong>de</strong>puis<br />

longtemps dans un mon<strong>de</strong> stabilisé lorsque le jeune homme arrive. Si son drame reste au cœur<br />

du récit, il se produit néanmoins un changement <strong>de</strong> perspective : la part active qui était<br />

prioritairement dévolue, jusque-là, au personnage amfortasien, se reporte sur <strong>Perceval</strong>.<br />

Lorsqu’il dit qu’il est celui par qui le scandale arrive, Amfortas n’a peut-être pas tout à fait<br />

raison ; il <strong>de</strong>vrait plutôt dire qu’il est celui par qui le scandale est arrivé. Mais le scandale en<br />

question est aujourd’hui établi ; il est la réalité quotidienne, avec laquelle on compose. Que<br />

reste-t-il, au fond, <strong>de</strong> ce scandale dans la vie bien réglée <strong>de</strong> Montsalvage ? Le vrai scandale ne<br />

serait-il pas plutôt que brille à nouveau l’éclat du graal ?<br />

<strong>En</strong> tous cas, contrairement à ce qui se passe dans les <strong>de</strong>ux premiers textes, ce n’est plus<br />

Amfortas, dans Le Roi Pêcheur, mais bien <strong>Perceval</strong> qui se présente comme le possible<br />

« homme du moment ». Seulement, il renonce à ce rôle et choisit <strong>de</strong> repartir sans poser la<br />

question que tout ce qui l’entoure le pousse à formuler. C’est dans ce sens que Jacqueline<br />

Chénieux définit <strong>Perceval</strong> comme un héros tragique, qu’elle oppose à Aldo, héros épique. Ce<br />

<strong>de</strong>rnier, selon elle, suit un « ordre fatal et nécessaire » et « est jugé dans son rôle » (c’est-à-<br />

dire qu’il assume un rôle dicté par une pression qui le dépasse), tandis que <strong>Perceval</strong>, au<br />

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