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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Les motifs visuels et symboliques <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux scènes se mêlent, rendant encore plus<br />

inextricables les associations que la gravure avait suscitées dans l’esprit d’Albert. Le nœud<br />

coulant du mythe se resserre, et même si le mythe <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> n’est pas, comme le dit Gracq<br />

lui-même dans l’avant-propos du Roi Pêcheur, un mythe « tragique », fermé, il se trouve<br />

pourtant ici que la confirmation du rapprochement entre les positions <strong>de</strong> Parsifal et d’Albert<br />

referme sur ce <strong>de</strong>rnier un piège dont il comprend qu’il ne pourra pas réchapper. L’absence <strong>de</strong><br />

« ré<strong>de</strong>mption possible » qu’affirme ce passage donne un accent encore plus inquiétant à<br />

l’expression « ré<strong>de</strong>mption au ré<strong>de</strong>mpteur » que la gravure reprenait à son compte. Comme le<br />

dit Jean-François Marquet, « la blessure, en s’obstinant à rester béante, condamne<br />

paradoxalement le mé<strong>de</strong>cin au crime, et le sauveur à la damnation » 671 : le « jamais plus » sur<br />

lequel se conclut la citation que nous venons <strong>de</strong> lire engage en effet une suite d’actions sur<br />

lesquelles va se conclure l’ouvrage, et qui contribuent à accentuer le trouble que l’on sent<br />

poindre <strong>de</strong>rrière cet appel à la ré<strong>de</strong>mption.<br />

On s’est beaucoup interrogé sur le sens <strong>de</strong>s mots qui concluent le Parsifal <strong>de</strong> Wagner :<br />

pourquoi faut-il <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r une ré<strong>de</strong>mption pour le ré<strong>de</strong>mpteur ? Pour quel ré<strong>de</strong>mpteur,<br />

d’ailleurs ? Ici, la formule tend à se clarifier, en même temps que son sens s’assombrit : si le<br />

ré<strong>de</strong>mpteur a besoin <strong>de</strong> ré<strong>de</strong>mption, c’est parce que ce statut <strong>de</strong> ré<strong>de</strong>mpteur est intenable et<br />

parce qu’en effet, Albert ne supportera pas <strong>de</strong> s’y tenir. Ainsi donc, en pleine nuit, répétant à<br />

mi-voix un « jamais plus » qui le tire <strong>de</strong> sa délirante rêverie, il s’empare d’un poignard et se<br />

rend dans le salon, à l’endroit d’où part le souterrain qu’il a emprunté quelques heures plus<br />

tôt.<br />

L’ellipse qui suit ne laisse guère <strong>de</strong> doute sur ce qui s’est produit ensuite : le len<strong>de</strong>main matin,<br />

on retrouve Hei<strong>de</strong> mourante.<br />

Près d’elle, une fiole encore à <strong>de</strong>mi remplie d’un liqui<strong>de</strong> sombre indiquait assez à quel<br />

tout-puissant secours elle s’était fiée dans ces instants pour quitter une vie dont les<br />

attaches <strong>de</strong>rnières, les seules qu’elle voulût à jamais reconnaître pour valables,<br />

s’étaient rompues pour elle en cette nuit même d’une manière si fatale et si imprévue.<br />

(p. 177)<br />

Albert comprend combien ce geste <strong>de</strong> Hei<strong>de</strong> constitue « contre lui à la face du ciel et <strong>de</strong>s<br />

hommes un stupéfiant témoignage » et il s’effondre dans les « sanglots amers et enflammés <strong>de</strong><br />

la damnation » (p. 178).<br />

671 JEAN-FRANÇOIS MARQUET, "Au Château d'Argol et le mythe hégélien", dans Julien Gracq, éd. Jean-Louis<br />

Leutrat, <strong>Paris</strong>: L'Herne/Fayard, "Cahiers <strong>de</strong> l'Herne", 1997, p. 58.<br />

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