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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Et il précise :<br />

Achèvement désigne l’expression totale d’un être, d’un mythe ou d’une œuvre ;<br />

d’autre part, désigne leur mort. Ainsi le mythe « achevé » par Wagner a vécu. Vixit<br />

Tristan ! Et s’ouvre l’ère <strong>de</strong>s fantômes. 384<br />

Julien Gracq, dans l’avant-propos du Roi Pêcheur, va dans le même sens lorsqu’il écrit :<br />

Il semble qu’en réalité il est advenu à cette « matière <strong>de</strong> Bretagne » une malchance<br />

insigne : après <strong>de</strong> longs siècles <strong>de</strong> sommeil, un génie exceptionnellement vigoureux est<br />

apparu qui d’un seul coup a fait main basse sur le trésor et <strong>de</strong> cette vendange semble<br />

d’un coup avoir extrait tout le suc. 385<br />

Pourtant, le simple fait que cette phrase figure dans l’avant-propos d’une réécriture mo<strong>de</strong>rne<br />

<strong>de</strong> Parsifal suffit à indiquer que Gracq ne s’arrête pas à un constat d’irrémédiable<br />

achèvement. Wagner semble peut-être avoir extrait tout le suc <strong>de</strong> cette vendange, mais le<br />

breuvage qu’il en tire est assurément nourricier. Nourricier au point, peut-être, d’être<br />

étouffant : toute la problématique <strong>de</strong> la génération post-wagnérienne, en France au moins<br />

autant qu’en Allemagne, sera d’apprendre à digérer l’apport <strong>de</strong> Wagner. C’est évi<strong>de</strong>mment le<br />

cas <strong>de</strong>s compositeurs d’opéra, qui doivent apprendre à parler leur propre langage musical<br />

après Wagner : Humperdinck, qui avait été répétiteur à Bayreuth pour la création <strong>de</strong> Parsifal,<br />

mettra <strong>de</strong>s années avant <strong>de</strong> pouvoir échapper à une influence qu’il ressent comme une<br />

aliénation et qui l’empêche <strong>de</strong> composer. <strong>En</strong> France, il faut attendre Debussy pour qu’enfin un<br />

compositeur arrache la musique dramatique à la houlette <strong>de</strong> Wagner. Pelléas et Mélisan<strong>de</strong>, en<br />

1902, est généralement considéré comme le signe enfin abouti <strong>de</strong> cette émancipation ; mais on<br />

a noté que l’ombre <strong>de</strong> Wagner 386 , soigneusement conjurée tout au long <strong>de</strong> l’opéra, resurgit<br />

avec vigueur dans quelques passages composés à la hâte au moment <strong>de</strong> la création. Retour du<br />

refoulé ou hommage tacite ? Les <strong>de</strong>ux hypothèses ont été formulées. Cécile Leblanc, optant<br />

pour la secon<strong>de</strong>, en tire une jolie métaphore :<br />

L’interlu<strong>de</strong> composé a-posteriori [sic] par Debussy [à la fin <strong>de</strong> la première scène <strong>de</strong><br />

Pelléas] cite explicitement l’interlu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Parsifal, <strong>de</strong> sorte que la marche <strong>de</strong><br />

384 ROUGEMONT, L'Amour et l'Occi<strong>de</strong>nt, p. 253.<br />

385 GRACQ, Le Roi Pêcheur, pp. 13-4.<br />

386 <strong>En</strong> 1893, au cours <strong>de</strong> la composition <strong>de</strong> Pelléas, Debussy écrit à Chausson : « […] le fantôme du vieux<br />

Klingsor, alias Richard Wagner, apparaissait au détour d’une mesure, j’ai donc tout déchiré et suis reparti à la<br />

recherche d’une petite chimie <strong>de</strong> phrases plus personnelles » (cité dans CECILE LEBLANC, Wagnérisme et<br />

création littéraire en France (1883-1889), <strong>Paris</strong>: Honoré Champion, 2005, p. 492). Chausson, <strong>de</strong> son côté, parle<br />

du « spectre rouge <strong>de</strong> Wagner qui ne [l]e lâche pas » (cf. ibid., p. 460).<br />

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