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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Ce livre revêt une gran<strong>de</strong> importance pour Clau<strong>de</strong>, qui y repensera à l’occasion d’une<br />

conférence <strong>de</strong> Châteaubriant à laquelle il assiste. L’auteur y abor<strong>de</strong>, entre autres, la question<br />

<strong>de</strong> l’image. Sa théorie est qu’il est impératif d’être soi-même pleinement, et <strong>de</strong> ne pas<br />

s’i<strong>de</strong>ntifier à une image. L’exemple qu’il prend pour illustrer sa pensée, que Clau<strong>de</strong> ressent<br />

comme s’il lui était <strong>de</strong>stiné en particulier, est celui <strong>de</strong> Louis II <strong>de</strong> Bavière, qui aurait confondu<br />

sa vie avec celles <strong>de</strong> Lohengrin et Parsifal. Le grand danger, dit-il, est d’« être vécu » (III,<br />

172) au lieu <strong>de</strong> vivre.<br />

Il y aurait là une réflexion intéressante à mener sur ce que <strong>de</strong> telles considérations peuvent<br />

engager lorsqu’on les lit dans un roman (qui semble comporter une part d’autobiographie)<br />

dont le titre est le nom d’un héros mythique. Où établir la frontière entre « vivre » et « être<br />

vécu » ? Le problème se pose à divers niveaux narratifs : Clau<strong>de</strong>, dans son mon<strong>de</strong>, cesse-t-il<br />

<strong>de</strong> « vivre » à partir du moment où il se sent un Parsifal ? 502 Mais aussi : à partir <strong>de</strong> quel point<br />

un personnage <strong>de</strong> roman est-il menacé d’« être vécu » lorsque son auteur le place sous<br />

l’autorité d’une figure mythique ? 503<br />

Quoi qu’il en soit, un passage du <strong>de</strong>rnier volume <strong>de</strong> Parsifal ou le pays romand apporte un<br />

curieux écho à ces réflexions : un jour, Clau<strong>de</strong> réalise, par un biais tout à fait différent <strong>de</strong> celui<br />

que choisissait Châteaubriant, que le plus important est d’être soi-même :<br />

Le premier <strong>de</strong>voir n’est-il pas d’être moi-même, et non un autre – tous les autres,<br />

comme le grand nombre <strong>de</strong> ceux qui ne se distinguent jamais entre eux et se<br />

confon<strong>de</strong>nt dans l’obscurité <strong>de</strong> l’anonymat ? (IV, 165)<br />

Et, paradoxalement, « c’est ici que Parsifal fait son entrée dans la méditation <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> » (IV,<br />

166). Le paradoxe tient au fait que l’exemple que Châteaubriant avait choisi pour illustrer<br />

l’aliénation <strong>de</strong> soi était précisément la figure <strong>de</strong> Parsifal, dans laquelle Louis II se serait<br />

« perdu » ; or ici, au moment même où Clau<strong>de</strong> rejoint cette idée d’être soi-même, sa<br />

méditation le porte instantanément à retrouver la figure <strong>de</strong> Parsifal et à s’y assimiler comme il<br />

ne l’a jamais fait auparavant, comme si être soi-même, en l’occurrence, revenait à se<br />

reconnaître en Parsifal. Et il se trouve que cette étape dans la connaissance <strong>de</strong> soi, qui porte<br />

Clau<strong>de</strong> à se reconnaître pour un Parsifal, reproduit, en quelque sorte, le mouvement par<br />

lequel, chez Chrétien comme chez Wagner, le chevalier accè<strong>de</strong> tardivement à la découverte <strong>de</strong><br />

502 Ce qui, au <strong>de</strong>meurant, ne se produit que très épisodiquement dans ce roman, d’abord lorsque Clau<strong>de</strong> imaginait<br />

partir à la recherche <strong>de</strong> Montsalvat (I, 271-302), puis dans le passage du volume IV que nous allons abor<strong>de</strong>r<br />

maintenant.<br />

503 Il faut ajouter que le personnage, selon les cas, peut lui-même connaître et/ou reconnaître la figure mythique<br />

en question, ou alors l’ignorer. J’espère avoir l’occasion <strong>de</strong> revenir ailleurs sur cette question du lien entre la<br />

« vie » d’un personnage <strong>de</strong> récit et la forme <strong>de</strong> « <strong>de</strong>stin » que peut lui imposer un hypotexte mythique plus ou<br />

moins contraignant. Je me contente ici <strong>de</strong> suggérer une réflexion qui nous écarterait trop <strong>de</strong> notre chemin.<br />

302

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