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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Ce scrupule <strong>de</strong> la lettre, adjoint à une compréhension imparfaite du français, le porte<br />

d’ailleurs à quelques erreurs <strong>de</strong> traductions que son imagination très figurative lui permet<br />

toujours d’expliquer <strong>de</strong> façon ingénieuse. Ainsi, par exemple, visualisant le vêtement que<br />

Parzival reçoit <strong>de</strong> sa mère comme un vêtement cousu d’une pièce, il imagine un costume <strong>de</strong><br />

fou, <strong>de</strong>stiné par la ruse <strong>de</strong> la mère à ce que son fils, bafoué <strong>de</strong> toutes parts, lui revienne au plus<br />

vite 155 .<br />

Et puis, élément bien plus fondamental, il ne comprend manifestement pas ce qu’est « un<br />

graal » (ni un « tailloir », au <strong>de</strong>meurant) : lors <strong>de</strong> la première apparition (au début du livre V)<br />

<strong>de</strong> cet « objet qu’on appelle graal », Wolfram reste très pru<strong>de</strong>nt et se concentre plus volontiers<br />

sur les effets que sur la chose elle-même, l’hyperbole tenant lieu <strong>de</strong> <strong>de</strong>scription. Le graal est<br />

ainsi décrit comme « la quintessence <strong>de</strong> toutes les perfections du Paradis, une chose qui était à<br />

la fois racine et branches » 156 . Nous sommes ici dans l’épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> la première visite au<br />

château du graal, que Wolfram reprend <strong>de</strong> Chrétien. La <strong>de</strong>uxième <strong>de</strong>scription du graal<br />

intervient au livre IX, qui relate l’entretien <strong>de</strong> Parzival avec son oncle ermite (Trevrizent) : il<br />

s’agit donc du <strong>de</strong>rnier épiso<strong>de</strong> où <strong>Perceval</strong> apparaît dans le texte <strong>de</strong> Chrétien. Wolfram est ici<br />

dans une dynamique qui est plutôt celle du continuateur que celle <strong>de</strong> l’adaptateur, et il lâche la<br />

bri<strong>de</strong> à son imagination 157 . Du coup, le graal <strong>de</strong>vient une pierre nommée « lapsit exillis »,<br />

dotée <strong>de</strong> vertus exceptionnelles : c’est par elle que le phénix renaît <strong>de</strong> ses cendres ; elle<br />

préserve la jeunesse <strong>de</strong> ceux qui la voient et fournit à volonté tous les mets les plus exquis qui<br />

puissent se trouver sur la terre. Cette pierre merveilleuse est gardée par une confrérie <strong>de</strong><br />

chevaliers qu’elle choisit elle-même et dont elle communique les noms au moyen d’une<br />

inscription qui apparaît sur sa surface et disparaît sitôt qu’elle a été lue (p. 177). On apprend<br />

aussi que l’existence <strong>de</strong> cet objet nommé graal a été d’abord lue dans les étoiles par le savant<br />

païen Flegetanis. Celui-ci affirmait que ce graal avait été déposé sur terre par une cohorte<br />

d’anges et était, <strong>de</strong>puis lors, conservé par <strong>de</strong>s chrétiens au cœur parfaitement pur. Wolfram<br />

évoque ensuite l’autorité d’un certain Kyot 158 le Provençal, qui, instruit <strong>de</strong> cette histoire par<br />

155 WOLFRAM VON ESCHENBACH, Parzival, trad. Danielle Buschinger et alii, Amiens: Presses du Centre d'Etu<strong>de</strong>s<br />

Médiévales <strong>de</strong> l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Picardie, "Médiévales, no 4", 2000, p. 48.<br />

156 Ibid., p. 87. La traduction suit l’édition <strong>de</strong> Karl Lachmann, qui a été rééditée <strong>de</strong> nombreuses fois : cf. par<br />

exemple WOLFRAM VON ESCHENBACH, Parzival, texte édité par Karl Lachmann, trad. Peter Knecht,<br />

Berlin/New-York: Walter <strong>de</strong> Gruyter, 1998.<br />

157 Il est à peu près établi qu’entre ces <strong>de</strong>ux moments (plus précisément entre les livres VI et VII), Wolfram a<br />

interrompu sa rédaction pendant quelque temps, écrivant probablement son Titurel dans cet intervalle ; on note<br />

un changement d’esprit assez significatif entre les <strong>de</strong>ux moments <strong>de</strong> la rédaction.<br />

158 Cette autorité concurrençant celle <strong>de</strong> Chrétien a fait couler beaucoup d’encre. On a supposé que ce Kyot le<br />

Provençal n’était autre que le poète Guyot <strong>de</strong> Provins, né vers le milieu du XIIème siècle. La critique se rattache<br />

pourtant aujourd’hui très majoritairement à l’idée que Kyot serait une autorité fictive, inventée par Wolfram, et<br />

qu’il n’y a pas lieu <strong>de</strong> supposer l’existence réelle d’une autre version <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>. Signalons<br />

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