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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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– qu’est-ce donc qu’un mythe ? Si l’on en croit Jean-Pierre Vernant, « au sens strict, le mot<br />

mythe ne désigne rien » 5 .<br />

Le mythe est un concept que les anthropologues ont emprunté, comme s’il allait <strong>de</strong> soi,<br />

à la tradition intellectuelle <strong>de</strong> l’Occi<strong>de</strong>nt : sa portée n’est pas universelle ; il n’a pas<br />

<strong>de</strong> signification univoque ; il ne correspond à aucune réalité spécifique. 6<br />

<strong>En</strong>core faut-il préciser que cette tradition intellectuelle est elle-même tout à fait récente ; car si<br />

le mot vient évi<strong>de</strong>mment du grec mythos, il faut se gar<strong>de</strong>r d’assimiler trop rapi<strong>de</strong>ment les<br />

notions auxquelles l’un et l’autre renvoient. Le mythos, en effet, « ne se réfère ni à un genre<br />

littéraire particulier, ni à un type <strong>de</strong> récit, ni à une forme quelconque <strong>de</strong> narration dont il<br />

baliserait les frontières » ; il se définit surtout négativement, selon Vernant, comme « l’envers,<br />

l’autre du discours vrai, du logos » 7 . Mais cette dichotomie commo<strong>de</strong> entre logos et mythos<br />

est elle-même sujette à caution : Clau<strong>de</strong> Calame a bien montré que la distinction entre les<br />

<strong>de</strong>ux termes n’apparaît que très ponctuellement dans la langue grecque. Parcourant les<br />

emplois <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux mots <strong>de</strong> Xénophane à Plutarque, il conclut que logos et mythos sont plus<br />

complémentaires qu’opposés, et insiste sur le fait que le mythos n’est, pour les Grecs, « ni une<br />

classe narrative, ni un concept ethnocentrique, ni un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> la pensée » 8 . Même chez Platon,<br />

réputé le fondateur <strong>de</strong> cette séparation entre le discours vrai (logos) du philosophe et le<br />

discours mensonger <strong>de</strong> ces poètes que, dans La République, il bannit <strong>de</strong> la cité, les choses ne<br />

sont pas si tranchées 9 .<br />

<strong>En</strong> outre, la continuité linguistique entre cet insaisissable « mythos » grec et ses avatars<br />

mo<strong>de</strong>rnes a été largement interrompue, puisque le mot « mythe » (ou ses équivalents) n’est<br />

apparu que très tardivement dans les langues européennes, comme le note Jean-Louis<br />

Backès :<br />

Il apparaît en allemand dans les <strong>de</strong>rnières années du XVIIIème siècle, semble attesté<br />

en français dans les toutes premières années du siècle suivant. On ne le rencontre en<br />

5<br />

JEAN-PIERRE VERNANT, "Le Mythe au réfléchi", <strong>Paris</strong>: Le Temps <strong>de</strong> la réflexion, no 1 (1980), p. 22.<br />

6<br />

Ibid.<br />

7<br />

Ibid., p. 23.<br />

8<br />

CLAUDE CALAME, Illusions <strong>de</strong> la mythologie, Limoges: PULIM, "Nouveaux actes sémiotiques", 1991, p. 29.<br />

Voir aussi CLAUDE CALAME, Poétique <strong>de</strong>s mythes dans la Grèce antique, <strong>Paris</strong>: Hachette, "Hachette <strong>Université</strong>,<br />

Langues et civilisations anciennes", 2000, pp. 12-3.<br />

9<br />

Pour une en<strong>quête</strong> détaillée sur cette question, voir LUC BRISSON, Platon, les mots et les mythes, <strong>Paris</strong>: François<br />

Maspero, "Textes à l'appui", 1982.<br />

8

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