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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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qui clôt le cortège peut aussi être interprété, dans une perspective psychanalytique, comme<br />

une matérialisation <strong>de</strong> la menace que la blessure du Roi Pêcheur fait planer sur toute cette<br />

scène : celle <strong>de</strong> la castration. Rey-Flaud cite Des Perrier et Estienne qui donnent tous <strong>de</strong>ux<br />

tailler comme un synonyme « plus honnête » <strong>de</strong> châtrer 786 . Peut-être n’est-il pas inutile <strong>de</strong><br />

rappeler que ce tailloir ne donne lieu à aucune explication <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l’ermite ; par ailleurs,<br />

il est presque unanimement escamoté par les interprétations celtisantes ou christianisantes <strong>de</strong><br />

la scène. La lecture psychanalytique qui consiste à le voir comme la matérialisation<br />

symbolique d’une inhibition qui se trouve au cœur du problème <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> paraît, en ce sens,<br />

une <strong>de</strong>s seules à rendre compte <strong>de</strong> la présence <strong>de</strong> cet objet dans le cortège du graal. Et cette<br />

interprétation, en outre, confirmerait que la scène en question, d’un point <strong>de</strong> vue<br />

fantasmatique, est en lien direct avec ce qu’il y a eu d’inabouti dans le séjour <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> à<br />

Beaurepaire.<br />

Le cortège du graal, ainsi considéré, présente donc à <strong>Perceval</strong> une image ramassée, mais<br />

relativement lisible <strong>de</strong> ce qui apparaît comme un <strong>de</strong>s enjeux psychologiques essentiels<br />

auquels le jeune homme se trouve confronté. Dans la lecture <strong>de</strong>s signes, nous serions donc<br />

passés d’une forme littérale (Blanchefleur présente) à une forme en quelque sorte allégorique,<br />

dans laquelle une substitution terme à terme <strong>de</strong>s éléments du cortège par les motifs<br />

fantasmatiques qu’ils remplacent aurait pu raconter à <strong>Perceval</strong> sa propre histoire, lui<br />

permettant, par là-même, d’entreprendre d’en sortir. Mais à nouveau, c’est l’incompréhension<br />

et le silence qui accueillent cette séquence d’images, qui s’apparente nettement à une<br />

séquence onirique 787 .<br />

Cette idée que toute la séquence du château du graal ne serait qu’une sorte <strong>de</strong> rêve <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong><br />

ou <strong>de</strong> projection fantasmatique (que nous avons déjà évoquée à propos <strong>de</strong>s relations familiales<br />

dans lesquelles <strong>Perceval</strong> se dépêtre pour trouver son i<strong>de</strong>ntité – cf. pp. 359), me paraît à<br />

nouveau très pertinente pour rendre compte <strong>de</strong> la progression <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> parmi les signes du<br />

mon<strong>de</strong>. Lue <strong>de</strong> cette façon, elle occupe une position clef entre l’épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> Beaurepaire et<br />

786 REY-FLAUD, Le Sphinx et le Graal, p. 87.<br />

787 Dans l’introduction qui précè<strong>de</strong> son édition du Roman du Graal <strong>de</strong> Robert <strong>de</strong> Boron (c’est-à-dire <strong>de</strong> la trilogie<br />

en prose Joseph – Merlin – <strong>Perceval</strong> ; c’est le Didot-<strong>Perceval</strong>, mais édité selon le ms <strong>de</strong> Modène plutôt que<br />

selon le ms Didot), Bernard Cerquiglini retrouve d’ailleurs par un autre biais cette idée <strong>de</strong> rêve, qui le porte aussi<br />

à aller dans le sens d’une symbolisation <strong>de</strong> la lecture : « Comme les signes épars qu’assemble le dormeur, les<br />

légen<strong>de</strong>s celtes pénètrent, au cours du XIIème siècle, la littérature <strong>de</strong> langue romane et l’informent. […] Car à ce<br />

symbolique en lambeaux, la mise en écrit, en texte donne un sens : cette <strong>quête</strong> est celle d’une écriture, le Graal<br />

est un livre » (ROBERT DE BORON, Le Roman du Graal, éd. Bernard Cerquiglini, <strong>Paris</strong>: Union générale<br />

d’éditions, "10/18, bibliothèque médiévale", 1981, p. 7).<br />

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