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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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choses subsistent <strong>de</strong> tout le surcodage rhétorique dont le prologue <strong>de</strong> Chrétien était saturé :<br />

disparu le jeu <strong>de</strong> mots subtil (et peut-être subversif, si on en croit Roger Dragonetti 191 ) entre<br />

conte et comte ; plus <strong>de</strong> traces non plus d’Alexandre, dont l’opposition à Philippe <strong>de</strong> Flandres<br />

pouvait pourtant être lue comme une prémonition structurale <strong>de</strong> l’opposition Gauvain /<br />

<strong>Perceval</strong> dans le texte. Au lieu d’un exercice <strong>de</strong> rhétorique, le prologue se transforme en une<br />

sorte d’avertissement au lecteur quant à la nature du texte qu’il a sous les yeux, lequel est<br />

appelé « traictié » (en contraste avec le « meilleur conte jamais rimé en cour royale » <strong>de</strong><br />

Chrétien). Pourtant, il serait injuste <strong>de</strong> conclure cette brève comparaison sans signaler aussi la<br />

jolie image sur laquelle se clôt ce prologue dans l’édition <strong>de</strong> 1530 : s’excusant d’avance <strong>de</strong>s<br />

fautes qu’il aurait pu commettre, le translateur termine en <strong>de</strong>mandant au lecteur <strong>de</strong> ne pas<br />

hésiter à « retenir et reserver le grain et mectre au vent la paille » 192 . Reprenant à son compte<br />

la métaphore initiale <strong>de</strong> Chrétien, il l’utilise pour boucler la boucle <strong>de</strong> son prologue sur une<br />

image qui, en dépit du caractère didactique relevé par ailleurs, dénote tout <strong>de</strong> même un<br />

véritable scrupule poétique.<br />

Sans entrer dans le détail <strong>de</strong>s modifications ponctuelles apportées au texte, nous pouvons<br />

globalement nous accor<strong>de</strong>r avec la vision générale que Jean Frappier donne du translateur :<br />

<strong>En</strong> insérant <strong>de</strong>s développements moraux d’une incontestable clarté, mais souvent d’un<br />

médiocre intérêt, et parfois d’une fâcheuse lour<strong>de</strong>ur, en effaçant aussi bien <strong>de</strong>s<br />

nuances, il a changé en roman d’éducation une œuvre qu’à notre avis son auteur avait<br />

conçue, avec plus d’ingéniosité et <strong>de</strong> saveur, comme un roman d’apprentissage où<br />

l’expérience et les leçons <strong>de</strong> la vie retouchent les préceptes trop généraux. 193<br />

Ce parti pris <strong>de</strong> clarté s’exprime dès le paratexte, où est proposée une « briefve recollection<br />

<strong>de</strong>s matieres contenues au present volume » : une table <strong>de</strong>s matières qui n’occupe pas moins<br />

<strong>de</strong> sept pages dans l’édition <strong>de</strong> Hilka, et qui permet <strong>de</strong> naviguer très facilement au fil <strong>de</strong>s<br />

multiples épiso<strong>de</strong>s du texte. Précisons que l’imprimé <strong>de</strong> 1530 est une transposition non<br />

seulement du texte <strong>de</strong> Chrétien, mais aussi <strong>de</strong> la Première Continuation dans sa version<br />

longue, <strong>de</strong> la Deuxième Continuation et <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> Manessier, ainsi que <strong>de</strong> l’Élucidation 194 et<br />

191 ROGER DRAGONETTI, La Vie <strong>de</strong> la lettre au Moyen Âge (Le Conte du Graal), <strong>Paris</strong>: Seuil, "Connexions du<br />

champ freudien", 1980, p. 117 (et chapitre V passim).<br />

192 Tresplaisante et Recreative Hystoire du Trespreulx et vaillant Chevallier <strong>Perceval</strong> le galloys, p. 502.<br />

193 JEAN FRAPPIER, Autour du Graal, Genève: Droz, "Publications romanes et françaises", 1977, pp. 214-5.<br />

194 La partie nommée ici « Elucidacion », qui comprend en fait une synthèse <strong>de</strong> l’Elucidation et du Bliocadran,<br />

n’est pas présente dans tous les exemplaires, comme le note Brunet (cf. JACQUES-CHARLES BRUNET, Manuel du<br />

libraire et <strong>de</strong> l'amateur <strong>de</strong> livres, Genève: Slatkine Reprints, 1990 [1863], p. 488 du vol. 4).<br />

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