30.06.2013 Views

En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Mais il semble qu’à cette époque, la matière médiévale était encore trop généralement<br />

déconsidérée pour pouvoir revêtir l’autorité qui eût permis d’en faire une utilisation<br />

stratégique dans le cadre <strong>de</strong> ce débat.<br />

Un siècle plus tard, en revanche, les contes s’étaient largement répandus dans la littérature, et,<br />

comme nous l’avons vu, les textes médiévaux avaient entamé un mouvement <strong>de</strong> retour en<br />

grâce. On peut supposer qu’ils représentaient alors le modèle le plus propre à être opposé à<br />

l’Antiquité dans la perspective d’un retour à <strong>de</strong>s sources endogènes, comme le conte l’avait<br />

été du temps <strong>de</strong> Louis XIV. Mais la chose se complique un peu du fait que les contes<br />

présentaient un modèle en quelque sorte achronique : le vieux fonds populaire pouvait faire<br />

valoir son ancienneté sans pour autant se rattacher à une pério<strong>de</strong> déterminée. Pour les récits <strong>de</strong><br />

chevalerie, en revanche, on ne saurait échapper à une périodisation précise : jouer la<br />

chevalerie contre la mythologie gréco-latine, c’est jouer le Moyen Âge contre l’Antiquité. Or,<br />

comme nous l’avons vu, la chevalerie est le seul aspect <strong>de</strong> cette « pério<strong>de</strong> barbare » qui soit<br />

revalorisé par Creuzé et ses pairs. Notre auteur explique même par contraste l’émergence<br />

d’une telle institution dans une telle pério<strong>de</strong>, alléguant qu’« il n’a pu s’élever <strong>de</strong> grand<br />

redresseur <strong>de</strong> torts qu’à l’époque où il y avait <strong>de</strong>s torts innombrables » 268 . Reprenant ce<br />

propos quelques années plus tard, il le rectifiera légèrement en supposant que ce ne sont pas<br />

tant les institutions chevaleresques qui ont répondu à ces « torts innombrables » que leur<br />

« peinture » :<br />

On peignit, on vanta <strong>de</strong>s héros réparateurs, redresseurs <strong>de</strong> torts ; et voilà la vraie<br />

origine <strong>de</strong>s romans <strong>de</strong> chevalerie, et peut-être <strong>de</strong> la chevalerie elle-même qui, avant<br />

d’être <strong>de</strong>venue une histoire, me paraît avoir été un roman. 269<br />

Quoi qu’il en soit, il est certain qu’une telle pério<strong>de</strong> ne saurait a priori soutenir la<br />

comparaison avec les temps les plus glorieux <strong>de</strong> la culture gréco-latine.<br />

• Le « bon vieux temps »<br />

Du coup, ce n’est pas sur ce terrain que se joue la revalorisation <strong>de</strong> la matière chevaleresque.<br />

Inutile <strong>de</strong> composer un Moyen Âge qui rivalise avec l’Antiquité ; ce qui importe, c’est <strong>de</strong><br />

268 CREUZÉ DE LESSER, La Table ron<strong>de</strong>, p. xij.<br />

269 AUGUSTE CREUZE DE LESSER, "Lettre sur les romans", dans Le Roman <strong>de</strong>s romans, <strong>Paris</strong>: Allardin, 1837, p.<br />

XIII. Cette idée peut paraître surprenante ; on trouve toutefois une réflexion très proche chez Montesquieu, qui<br />

dépeint la naissance et la diffusion <strong>de</strong> la galanterie comme l’effet <strong>de</strong> l’imaginaire développé d’abord dans les<br />

romans <strong>de</strong> chevalerie (De l’esprit <strong>de</strong>s lois, livre XXVIII, chapitre XXII).<br />

160

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!