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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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en une logique humaine infiniment plus douloureuse. L’échelle change, passant du plan large<br />

<strong>de</strong> l’humanité (ou au moins <strong>de</strong> la chrétienté) à un vécu individuel. Mais surtout, on ne regar<strong>de</strong><br />

plus la faute <strong>de</strong>puis le même point <strong>de</strong> vue : dans l’eschatologie chrétienne, la faute est<br />

impliquée comme un « avant » nécessaire <strong>de</strong> l’histoire qui nous est racontée ; elle est reléguée<br />

dans un passé lointain et sa réalité n’est plus tangible qu’à travers les effets qu’elle implique –<br />

à savoir son redressement. Jamais la faute d’Amfortas n’avait constitué le présent d’un texte ;<br />

jamais elle n’avait été montrée avec la formidable violence que prend ici l’exhibition <strong>de</strong> l’acte<br />

perpétré par Herminien. Jamais non plus <strong>Perceval</strong> n’a-t-il eu sous les yeux les effets aussi<br />

immédiats <strong>de</strong> cette faute. Pourtant, c’est bien exactement cette dynamique qui est à l’œuvre,<br />

en <strong>de</strong>ux temps, dans le Parsifal <strong>de</strong> Wagner : d’abord vision <strong>de</strong> la blessure ; ensuite, prise <strong>de</strong><br />

conscience <strong>de</strong> sa signification par association d’une image (la blessure) avec un acte<br />

révélateur (le baiser). Dans Le Roi Pêcheur <strong>de</strong> Gracq, cette dimension sera centrale, mais nous<br />

en avons déjà une première variante dans Argol : Albert, moins apte qu’Herminien à voir<br />

l’image <strong>de</strong>rrière l’image, ne se trouve plus ici <strong>de</strong>vant un symbole, mais <strong>de</strong>vant une réalité<br />

crue. Il n’est ni dans la position <strong>de</strong> Parsifal qui voit tout à coup se dresser, <strong>de</strong>rrière la blessure<br />

d’Amfortas, la souffrance du mon<strong>de</strong>, ni dans celle <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>, supposé décrypter le rébus<br />

constitué par le cortège du graal ou encore par la semblance du sang sur la neige.<br />

C’est la première fois que, dans un brouillage temporel qui rend les <strong>quête</strong>s <strong>de</strong> « Parsifal » et<br />

d’« Amfortas » exactement simultanées (au point qu’Herminien a pu croire, dans un premier<br />

temps, avoir perdu ce qu’il a finalement gagné par la force), la scène capitale, qui est à<br />

l’origine <strong>de</strong> tous les romans percevaliens, est portée, dans le présent du récit, sous les yeux <strong>de</strong><br />

« Parsifal ».<br />

Car Herminien a probablement déjà compris ce qu’Albert commence peu à peu à entrevoir :<br />

qu’ils sont en train <strong>de</strong> rejouer Parsifal.<br />

• Parsifal évincé<br />

Albert, donc, commence à dégager les implications <strong>de</strong> cet instantané fatal. S’il songe au<br />

« dogme catholique », c’est alors avec « une honte <strong>de</strong> pure forme » qu’il tourne ses yeux<br />

« vers celui qui paraissait alors l’ange noir <strong>de</strong> la chute et son dangereux héraut » (pp. 132-3).<br />

La philosophie, qui occupait si fort son esprit, ne l’ai<strong>de</strong> guère, puisque<br />

par-<strong>de</strong>là les discriminations pauvres du bien et du mal, par une dialectique<br />

vengeresse, son esprit embrassait [Herminien] dans une fraternelle connivence.<br />

(p. 133)<br />

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