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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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l’équivalence ne génère pas le texte mais l’interprète par une rationalisation a<br />

posteriori. La démarche est distincte <strong>de</strong> celle du Roi Pêcheur, auquel seul convient le<br />

terme <strong>de</strong> « version ». 673<br />

Mais il me paraît incontestable que si la seule vraie « version » est bien Le Roi Pêcheur, la<br />

constitution même <strong>de</strong> cette pièce et la réorientation qu’elle propose <strong>de</strong>s enjeux principaux du<br />

mythe sont directement tirées d’Argol. <strong>En</strong> tant que version, Argol serait trop partiel ; il reste<br />

trop à dire pour tirer les conséquences complètes du changement <strong>de</strong> perspective que ce texte<br />

engage par rapport au mythe. Il faut donc, si la matière en vaut la peine, remettre l’ouvrage<br />

sur le métier, mais sous une forme différente. <strong>En</strong> ce sens, Le Roi Pêcheur apparaît comme une<br />

prolongation d’Argol, où plusieurs <strong>de</strong>s enjeux majeurs <strong>de</strong> la pièce sont déjà présents, à<br />

commencer par la place centrale accordée à Amfortas, par le statut fascinant <strong>de</strong> la blessure, ou<br />

par la difficulté, voire l’impossibilité <strong>de</strong> conclure la <strong>quête</strong>.<br />

• Errances critiques sur Argol<br />

La lecture que je viens <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> la présence du mythe percevalien dans Au château d’Argol<br />

me paraît relever d’une simple attention à la lettre du texte, orientée par un regard sélectif. Je<br />

ne peux donc que m’étonner <strong>de</strong> constater que <strong>de</strong> nombreux commentateurs ont, semble-t-il,<br />

été déroutés par cette présence <strong>de</strong> l’hypotexte mythique dans ce roman, et en ont donné <strong>de</strong>s<br />

interprétations très surprenantes. Un tour d’horizon <strong>de</strong> ces points <strong>de</strong> vue me paraît intéressant<br />

d’une part pour montrer les difficultés qu’a pu soulever ce texte richement surchargé <strong>de</strong><br />

symbolisme (malgré le « paratonnerre » <strong>de</strong> l’« avis au lecteur »), et d’autre part, parce que ce<br />

sera l’occasion pour moi <strong>de</strong> préciser ou d’affiner certains points <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>.<br />

Commençons ce petit tour d’horizon par Ross Chambers qui, dans un article par ailleurs très<br />

éclairant, affirme que<br />

Albert finira par comprendre qu’il ne peut possé<strong>de</strong>r le Graal (Hei<strong>de</strong>) qu’à la<br />

condition <strong>de</strong> sacrifier tout ce que représente Herminien-Amfortas, ce qui se traduira<br />

dans le ton violent <strong>de</strong> ce roman « noir » par un double assassinat. Il faut tuer Hei<strong>de</strong><br />

pour l’amour d’Herminien, et Herminien pour l’amour <strong>de</strong> Hei<strong>de</strong> […] 674<br />

Il semble pourtant très clair, dans le texte (et les citations qui figurent dans les pages qui<br />

précè<strong>de</strong>nt me paraissent on ne peut plus explicites sur ce point), qu’aucune « condition » ne<br />

673 MURAT, L'<strong>En</strong>chanteur réticent. Essai sur Julien Gracq, p. 206.<br />

674 ROSS CHAMBERS, "La Perspective du balcon : Julien Gracq et l’expérience théâtrale", Australian Journal of<br />

french studies, no V.1 (1968, janv.-avr.), p. 113.<br />

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