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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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cette « exaltante et désespérante formule : "Je ne puis vivre ni avec toi, ni sans toi" » (p. 16).<br />

Cette formule, d’ailleurs, Gracq l’associe à la scène où Amfortas, dans le Parsifal <strong>de</strong> Wagner,<br />

« élève le feu rouge du Graal dans un geste <strong>de</strong> ferveur et d’espoir » : il s’agit <strong>de</strong> la première<br />

cérémonie du graal, à la fin du premier acte. Dans Argol, au contraire, c’est la secon<strong>de</strong><br />

cérémonie du graal, à la fin du troisième acte, qui était représentée sur la gravure. Dans ce<br />

<strong>de</strong>rnier cas, Parsifal a donc déjà franchi toutes les étapes qui font <strong>de</strong> lui le ré<strong>de</strong>mpteur attendu,<br />

tandis que dans la scène parallèle du premier acte, il n’est encore que ce « jeune oison » que<br />

Gurnemanz chasse sans ménagement, dépité qu’il n’ait apparemment rien compris <strong>de</strong> ce qu’il<br />

a vu.<br />

Cette différence entre les <strong>de</strong>ux « instantanés » centraux auxquels s’attachent l’un et l’autre <strong>de</strong>s<br />

récits correspond tout à fait à la différence <strong>de</strong> position symbolique dans laquelle se trouve<br />

<strong>Perceval</strong> par rapport à Amfortas. Albert était allé jusqu’au bout du chemin, endossant la<br />

parure du ré<strong>de</strong>mpteur pour se rendre compte, mais un peu tard, qu’elle était insoutenable ; le<br />

<strong>Perceval</strong> du Roi Pêcheur, en revanche, est seulement « celui qu’on attend », dont on se<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> s’il est vraiment le Simple, le Pur, l’Élu. La con<strong>de</strong>nsation <strong>de</strong> l’action en vingt-quatre<br />

heures empêche la tripartition wagnérienne qui sépare l’amorce, la compréhension et la<br />

résolution. Ici, tous les éléments permettant à <strong>Perceval</strong> <strong>de</strong> comprendre lui sont délivrés au<br />

cours <strong>de</strong> la pièce, ce qui débouche sur un dilemme pour lui aussi : il a le choix, au moment où<br />

débute la cérémonie du graal, entre poser la question que l’on attend du « ré<strong>de</strong>mpteur » ou se<br />

taire et repartir comme il est venu.<br />

C’est cette secon<strong>de</strong> option qu’il choisit, ce qui permet à la pièce <strong>de</strong> s’achever, <strong>de</strong> façon<br />

presque circulaire, sur les voix <strong>de</strong>s veilleurs qui disent l’attente et l’espoir :<br />

Espérance dans le Sauveur !<br />

Délivrance[/Ré<strong>de</strong>mption] à Montsalvage ! (pp. 19 et 150)<br />

Pas plus que dans Argol, la <strong>quête</strong> n’a ici trouvé l’issue triomphale que lui réservait Wagner.<br />

Mais, alors que dans le roman nous avions à faire à une conclusion bien réelle, qui était un<br />

constat d’irrémédiable échec, Le Roi Pêcheur, au contraire, se contente en quelque sorte <strong>de</strong><br />

reporter la conclusion. Peut-être <strong>Perceval</strong> n’était-il pas l’Élu ? C’est en tous cas ce que dit<br />

Amfortas : « celui que Montsalvage attendait – c’était un simple » (p. 150). Or, <strong>Perceval</strong> a<br />

compris qu’il lui fallait se taire, qu’il lui fallait repartir en laissant Montsalvage dans l’état où<br />

il l’avait trouvé. Bien différent en cela <strong>de</strong> Galaad, éblouissant « robot » forgé pour achever la<br />

<strong>quête</strong>, <strong>Perceval</strong> est essentiellement un chemin.<br />

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