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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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<strong>de</strong>puis la fin du Moyen Âge, à renforcer une dimension « très plaisante et récréative », qui<br />

s’accentue systématiquement au fil <strong>de</strong>s réécritures.<br />

A l’occasion <strong>de</strong> la miniature <strong>de</strong> Paulmy, en 1775, le Mercure <strong>de</strong> France publiait un<br />

commentaire très instructif quant à la réception qui pouvait être faite d’un tel texte :<br />

Le héros <strong>de</strong> ce Roman offre un caractère d’une physionomie toute particulière.<br />

L’Auteur en fait un guerrier d’une éducation fort inculte, <strong>de</strong> mœurs rustiques, d’une<br />

franchise brusque, & malgré tout cela d’une bravoure & d’une loyauté à toute<br />

épreuve. <strong>Perceval</strong>, pour n’être pas toujours présenté du côté sérieux, n’en est que plus<br />

intéressant ; & cette invention d’un caractère mixte, & absolument inattendu, relève<br />

assurément le mérite <strong>de</strong> ce Roman <strong>de</strong> Chevalerie, qui est fort ancien. 280<br />

Comme nous l’avons vu, ce caractère « pas toujours sérieux », qui n’est illustré que dans une<br />

mesure assez discrète chez Paulmy (c’est-à-dire à peu près dans la mesure où il apparaît dans<br />

les sources médiévales) est largement accentué par Tressan, puis encore par Creuzé.<br />

Mais il est certain que ni le plaisant ni le récréatif ne font partie <strong>de</strong>s éléments constitutifs du<br />

mythe, quelque diversifiées que puissent être les définitions <strong>de</strong> ce terme. Les reprises <strong>de</strong><br />

<strong>Perceval</strong> dans la littérature apparaissent donc, jusqu’ici, comme autant d’étapes d’une<br />

démythisation qui ne conserve, dans l’histoire racontée, que <strong>de</strong> bien discrètes amorces sur<br />

lesquelles le discours mythique pourrait avoir prise.<br />

Ces feux d’artifice orchestrés par Tressan ou Creuzé laissaient <strong>de</strong>rrière eux <strong>de</strong>s cendres<br />

presque froi<strong>de</strong>s dont il n’était pas évi<strong>de</strong>nt que la flamme du mythe pût renaître un jour.<br />

Creuzé, dans sa première préface, manifeste l’espoir que « [s]on faible ouvrage pourra ai<strong>de</strong>r à<br />

en composer un meilleur » (p. xl) : il n’est pas douteux que l’avenir <strong>de</strong> cette matière réserve<br />

au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> meilleurs ouvrages, mais en dépit du succès considérable que connut La Table<br />

ron<strong>de</strong> pendant près d’un <strong>de</strong>mi-siècle, je ne pense pas que l’on puisse considérer que cet<br />

ouvrage a véritablement aidé à en composer d’autres, du moins sur la matière percevalienne.<br />

De fait, le texte <strong>de</strong> Creuzé apparaît comme la <strong>de</strong>rnière réplique d’un dialogue intertextuel dont<br />

nous avons suivi le parcours pendant plus <strong>de</strong> trois siècles ; lorsque <strong>Perceval</strong> resurgira sur la<br />

scène littéraire, ce sera, comme nous le verrons, sous d’autres couleurs, qui indiquent une<br />

rupture <strong>de</strong> tradition et un retour aux sources primitives.<br />

Dans les colonnes du Mercure <strong>de</strong> France, les inventions <strong>de</strong> Creuzé sont comparées à « <strong>de</strong><br />

nouveaux rameaux, <strong>de</strong> nouvelles branches et <strong>de</strong> nouvelles feuilles [qui] cachent la nudité et le<br />

280 Mercure <strong>de</strong> France, juin 1776, pp. 119-20.<br />

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