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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Il paraît bien naturel qu’un certain nombre <strong>de</strong>s archétypes sur lesquels se construisent les<br />

récits mythiques doivent la persistance <strong>de</strong> leurs scénarios à l’universalité d’une expérience du<br />

mon<strong>de</strong> unanimement partagée.<br />

Le mythe qui illustre le mieux ce lien intime est évi<strong>de</strong>mment celui d’Œdipe, interprété par<br />

Freud comme la mise en récit d’un scénario psychique fondamental d’une étape vécue par<br />

chacun dans sa construction en tant qu’individu.<br />

Il va <strong>de</strong> soi que la problématique familiale se trouve largement surdéterminée dans le mythe<br />

d’Œdipe et que, comparativement, elle doit sembler presque absente du mythe <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> ;<br />

pourtant, une observation quelque peu attentive du corpus percevalien a tôt fait <strong>de</strong> nous<br />

convaincre du contraire, que ce soit à l’échelle <strong>de</strong> son texte fondateur, ou à travers le fil <strong>de</strong> ses<br />

réécritures successives. Rares sont les réécritures du mythe <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> où la question<br />

familiale n’est pas présente, à un <strong>de</strong>gré plus on moins explicite.<br />

Pour rappeler en un mot les termes dans lesquels Lévi-Strauss formule son opposition <strong>de</strong>s<br />

mythes <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> et d’Œdipe, disons que cette opposition porte sur la communication (au<br />

sens général : parole, relations humaines, sexualité), qui est caractérisée ici par l’excès ; là,<br />

par le manque (cf. ci-<strong>de</strong>ssus p. 124).<br />

Mais dans la comparaison <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux mythes, on peut aussi mettre l’accent sur quelques<br />

symétries. Par exemple, Lévi-Strauss oppose les <strong>de</strong>ux épreuves centrales que sont d’une part<br />

la résolution <strong>de</strong> l’énigme par Œdipe, et d’autre part le silence <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> <strong>de</strong>vant le graal.<br />

Mais ce qu’il faut aussi relever, c’est que, pour Œdipe arrivant à Thèbes comme pour <strong>Perceval</strong><br />

arrivant au château du graal, la situation où le héros se trouve confronté aux limites <strong>de</strong> la<br />

parole est directement liée à un retour à la sphère familiale. Et dans les <strong>de</strong>ux cas, l’intéressé<br />

ignore qu’il arrive dans sa famille au moment <strong>de</strong> cette épreuve <strong>de</strong> parole. On sait dans quelles<br />

circonstances tragiques Œdipe apprendra la chose, bien plus tard ; pour <strong>Perceval</strong>, la révélation<br />

arrivera lorsque l’ermite rencontré dans la forêt, après cinq années d’errances, lui dira, à<br />

propos du graal :<br />

Cil qui l'en en sert est mes frere,<br />

Ma suer et soe fu ta mere;<br />

Et <strong>de</strong>l riche Pescheor croi<br />

Qu'il est fix a icelui roi<br />

Qu'en cel gr[a]al servir se fait. (vv. 6415-9)<br />

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