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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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cette transfiguration <strong>de</strong> la conscience et du mon<strong>de</strong> qui reste leur objectif <strong>de</strong>rnier, ils se sont<br />

tournés vers la femme comme vers un <strong>de</strong>s plus puissants intercesseurs » 662 .<br />

On ne peut s’empêcher <strong>de</strong> songer à la vision wagnérienne <strong>de</strong> la femme comme intercesseur.<br />

Si cette définition évoque peut-être plutôt l’Elisabeth <strong>de</strong> Tannhäuser que la Kundry <strong>de</strong><br />

Parsifal, en voici une autre qui, en revanche, paraît presque une <strong>de</strong>scription fonctionnelle <strong>de</strong><br />

Kundry : « […] la médiatrice naturelle, celle dont la fonction par excellence est <strong>de</strong> rapprocher<br />

les choses <strong>de</strong> l’homme, <strong>de</strong> se dissoudre dans ce rapprochement même, réalisé » 663 .<br />

Or, Hei<strong>de</strong> correspond déjà parfaitement à cette vision <strong>de</strong> la femme, que Gracq revivifiera tout<br />

au long <strong>de</strong> son œuvre.<br />

Aussitôt après cette scène d’altération se déroule le premier épiso<strong>de</strong> que l’on peut mettre en<br />

lien direct avec l’intertexte wagnérien. Albert et Hei<strong>de</strong> se retrouvent seuls sur la terrasse du<br />

château, dans la nuit :<br />

Avec la lenteur d’une torture, elle noua ses doigts aux siens […] avec force, avec<br />

frénésie, et attirant sa tête vers la sienne, elle le força à prendre un long baiser qui<br />

secoua tout son corps d’un éclair dévastateur et sauvage. (p. 64)<br />

Le rapprochement <strong>de</strong> cette scène et du baiser <strong>de</strong> Kundry, au <strong>de</strong>uxième acte <strong>de</strong> Parsifal, est<br />

renforcé par la dimension très visiblement théâtrale dont est investie la scène :<br />

Comme baignés <strong>de</strong> la lueur d’une rampe, les têtes ron<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s arbres émergent partout<br />

<strong>de</strong>s abîmes, serrées en silence, venues <strong>de</strong>s abîmes du silence autour du château<br />

comme un peuple qui s’est rassemblé, conjuré dans l’ombre, et attend que les trois<br />

coups résonnent sur les tours du manoir. (p. 63)<br />

<strong>En</strong> outre, dans les <strong>de</strong>ux cas, l’initiative du baiser vient <strong>de</strong> la femme, et, dans les <strong>de</strong>ux cas<br />

également, bien que <strong>de</strong> façon assez différente, l’homme repousse la femme. Ici, Albert ne<br />

repousse pas Hei<strong>de</strong> tout <strong>de</strong> suite, comme le fait Parsifal, mais il se refuse pourtant à répondre<br />

à l’abandon <strong>de</strong> Hei<strong>de</strong> :<br />

662 Ibid., p. 1019.<br />

663 Ibid., p. 913.<br />

Peut-être méprisait-il un triomphe pour lequel il n’avait pas combattu, et s’offensait-il<br />

<strong>de</strong> ce que sa volonté fût comptée pour rien par les caprices du sort qui remettait entre<br />

ses mains avec l’ironie d’une totale gratuité la plus ravissante <strong>de</strong>s créatures. Mais<br />

surtout il lui semblait impossible qu’à Hei<strong>de</strong> entre toutes pût convenir une solution<br />

d’une si équivoque facilité – que la possession <strong>de</strong> ce corps abandonné et splendi<strong>de</strong> fût<br />

– à quelque égard que ce soit – une solution. (p. 76)<br />

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