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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Peu à peu s’insinue l’idée que les objets <strong>de</strong> la <strong>quête</strong> : la coupe et le liqui<strong>de</strong>,<br />

s’apparentent au graal, l’un comme l’encrier, l’autre comme l’encre – encre et<br />

encrier qui permettent d’écrire… leur propre recherche. 770<br />

Voici donc qu’est à nouveau problématisé le lien entre graal et livre, perçu, cette fois-ci, du<br />

point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’écrivain. Il n’y a plus là nul sens mystique ou pseudo-philologique qui<br />

impliquerait un quelconque « graduel » primordial, mais simplement une perspective que l’on<br />

pourrait qualifier <strong>de</strong> « poiétique », dans la mesure où elle place le lien du graal au livre à<br />

l’origine <strong>de</strong> celui-ci, dans le mouvement même par lequel il lui est donné d’advenir.<br />

Mentionnons encore un <strong>de</strong>rnier exemple où le graal se trouve lié à un livre : il s’agit d’une<br />

petite nouvelle très intrigante <strong>de</strong> Jean-Clau<strong>de</strong> Renault, titrée L’Ubac du réel.<br />

Dans cette histoire, un chevalier sans nom parvient en un lieu où il sent que doit se produire<br />

l’événement <strong>de</strong> sa vie, qui consiste en la découverte <strong>de</strong> son i<strong>de</strong>ntité. « Sans Nom… Il n’avait<br />

jamais eu <strong>de</strong> nom. Aussi loin que sa mémoire remontât, on l’avait toujours appelé ainsi » 771 .<br />

Et comme il ne connaissait pas son lignage, il n’était pas sûr <strong>de</strong> mériter une place à la Table<br />

ron<strong>de</strong> et avait quitté la cour d’Arthur, en <strong>quête</strong> <strong>de</strong> lui-même. On retrouve, pour l’instant, le<br />

modèle qui est commun à <strong>Perceval</strong> et au Bel Inconnu ; la suite tire nettement du côté<br />

percevalien : notre chevalier parvient un jour à un château mystérieux, dont les murs sont<br />

immatériels. Il y pénètre et se retrouve <strong>de</strong>vant un autel sur lequel reposent trois objets :<br />

A gauche, une lance portait <strong>de</strong>s traces <strong>de</strong> sang, un sang brillant comme si l’arme<br />

s’épanchait <strong>de</strong> sa propre vie. A droite, une coupe d’or buvait toute la lumière du soleil<br />

au point <strong>de</strong> plonger l’endroit dans une légère pénombre. Au centre, un livre, noir,<br />

dormait dans une paisible discrétion, sans doute pour éviter d’être vu. (p. 33)<br />

Il comprend qu’il ne doit choisir « ni la vanité <strong>de</strong> la gloire guerrière, ni la richesse pervertie<br />

par la cupidité », mais se diriger résolument vers le troisième objet : ce livre mystérieux qui le<br />

rapprochera sans doute <strong>de</strong> l’objet <strong>de</strong> sa <strong>quête</strong>, le renseignant sur son i<strong>de</strong>ntité. Il ouvre donc le<br />

livre… qui ne contient qu’un miroir, dans lequel il ne voit d’abord rien, puis il aperçoit une<br />

tombe. Après avoir réfléchi à ce que cela pouvait bien signifier, il s’en va. Mais sa monture<br />

n’est plus là ; à sa place, une tombe dont la stèle indique « Ci-gît le chevalier sans nom ». Pris<br />

<strong>de</strong> colère, il arrache la stèle, et, dans le trou ainsi dégagé, il trouve un coffret, dans lequel<br />

repose un parchemin. Il l’ouvre, fébrile, « mais… au lieu <strong>de</strong>s mots, une lumière aveuglante lui<br />

770 ROBERT BAUDRY, Graal et littératures d'aujourd'hui, ou les échos <strong>de</strong> la légen<strong>de</strong> du Graal dans la littérature<br />

française contemporaine, Rennes: Terre <strong>de</strong> Brume, 1998, p. 164.<br />

771 JEAN-CLAUDE RENAULT, "L'Ubac du réel", dans Les Chevaliers sans nom. Première époque, éd. Georges-<br />

Olivier Châteaureynaud, <strong>Paris</strong>: Nestiveqnen, "Nouvelle donne", 2001, p. 32.<br />

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