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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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habile qui en aurait eu l’idée, il n’en reste pas moins que c’est à cette configuration textuelle<br />

que nous sommes confrontés et qu’à ce titre, il n’est pas interdit <strong>de</strong> formuler à son propos une<br />

hypothèse <strong>de</strong> sens qui entre en résonance avec d’autres faits observables. Et en effet, cette<br />

hypothèse rejoint la sensibilité manifeste <strong>de</strong> Gerbert face à une problématisation <strong>de</strong> l’acte<br />

d’écriture qui donne à son texte une richesse métaréflexive que les trois autres continuations<br />

sont assez loin d’atteindre. Ainsi, à travers les métaphores <strong>de</strong> l’épée brisée et du brief « petit<br />

et roont, tot a compas » que nous avons déjà évoqué, il manifeste une conscience aiguë du<br />

procès d’écriture et, plus spécifiquement, <strong>de</strong> continuation.<br />

Rappelons que c’est ce brief qui, par une vertu miraculeuse, guérit Sagremor et Agravain <strong>de</strong><br />

leur folie, leur rendant leur capacité <strong>de</strong> lecture <strong>de</strong>s signes ; or ce texte circulaire, si on accepte<br />

<strong>de</strong> le lire comme une mise en abyme <strong>de</strong> la Continuation <strong>de</strong> Gerbert, consciemment inscrite<br />

dans cette fissure imperceptible qui subsiste entre Wauchier et Manessier, peut fort bien se<br />

présenter comme le texte « vrai » qui rectifie les tracés erratiques <strong>de</strong>s autres continuateurs.<br />

Je suggérais précé<strong>de</strong>mment l’idée que Gerbert pouvait avoir le désir <strong>de</strong> corriger l’« oubli » <strong>de</strong><br />

Manessier relativement au mariage <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> et Blanchefleur, qui lui semblait peut-être<br />

impliqué par la logique du texte. Il faut signaler que le continuateur, par la voix <strong>de</strong><br />

Gornemant, établit un lien étroit entre l’accomplissement par <strong>Perceval</strong> <strong>de</strong> cette promesse <strong>de</strong><br />

mariage et celui <strong>de</strong> toutes les épreuves liées au graal 861 . Dire que s’il épouse Blanchefleur,<br />

<strong>Perceval</strong> pourra ressou<strong>de</strong>r l’épée, n’est-ce pas également soumettre à cette condition la<br />

possibilité même <strong>de</strong> conclure un récit qui ne saurait laisser Blanchefleur <strong>de</strong> côté, comme le<br />

font les trois autres continuateurs ?<br />

Il apparaît <strong>de</strong> plus en plus clairement qu’au fil <strong>de</strong>s étapes successives <strong>de</strong> cette « forgerie » que<br />

sont les Continuations du Conte du graal s’esquisse une superposition étroite entre la <strong>quête</strong><br />

que mène <strong>Perceval</strong> et celle que poursuivent, <strong>de</strong> leur côté, les poètes qui tentent <strong>de</strong> rendre<br />

compte <strong>de</strong> ces aventures.<br />

• Relances du discours<br />

On peut imaginer que les ruses trouvées par les continuateurs pour éviter <strong>de</strong> clore les<br />

aventures ont une autre motivation que celle du plaisir <strong>de</strong> raconter ; une motivation plus<br />

immanente, qui serait <strong>de</strong> ne pas trahir la matière dont ils se font les porte-parole. Tant qu’ils<br />

accumulent les boucles et les digressions, au moins ne courent-ils pas le risque <strong>de</strong> clôturer le<br />

861 Cf. ibid., vv. 5169-76.<br />

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