30.06.2013 Views

En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Il rencontra, dans une forêt, une procession <strong>de</strong> trois Chevaliers & <strong>de</strong> dix Dames, qui<br />

faisoient pénitence <strong>de</strong> leurs fautes passées, & qui marchoient pieds nus par<br />

mortification. (p. 78)<br />

Et voici comment Tressan rend ce même épiso<strong>de</strong> :<br />

Il passoit au travers d’une forêt noire & profon<strong>de</strong>, où jamais route n’avoit été ouverte,<br />

ni sentier frayé. Au milieu <strong>de</strong> la nuit la plus épaisse & la plus silencieuse <strong>de</strong>s nuits<br />

[sic], il apperçoit <strong>de</strong> loin <strong>de</strong>s lumières qui traversent <strong>de</strong>vant lui, & <strong>de</strong>s figures<br />

sépulcrales qui les portent : il crut que c’étoient <strong>de</strong>s spectres, & c’étoient <strong>de</strong>s Amans.<br />

C’étoit une procession <strong>de</strong> Chevaliers et <strong>de</strong> Dames, que les revers <strong>de</strong> l’âge et <strong>de</strong><br />

l’amour avoient rendus à la vie chrétienne. Tous portoient leur cierge, marchoient<br />

pieds nus, & se traçoient leur passage où il y avoit le plus d’épines. Les hommes<br />

étoient enveloppés d’une longue bure <strong>de</strong> couleur brune, & les charmes <strong>de</strong>s Belles<br />

étoient déchirés sous une ru<strong>de</strong> toile grise. (pp. 94-5)<br />

La comparaison parle d’elle-même : Tressan utilise le canevas que lui lègue Paulmy pour<br />

donner libre cours à son imagination. Sans doute estime-t-il redonner vie à <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scriptions<br />

figées et produire, <strong>de</strong> ce fait, un texte beaucoup plus propre à toucher la sensibilité <strong>de</strong> son<br />

lecteur.<br />

Dans ce même ordre d’idées, on peut signaler la propension <strong>de</strong> Tressan à ponctuer son texte<br />

<strong>de</strong> sentences, telles que « on est <strong>de</strong> moitié plus belle quand on dort ; mais quand on est seule,<br />

c’est bien pis » (p. 62), ou encore : « le grand cœur vient sans maître » (p. 70).<br />

Roger Poirier juge sévèrement l’inflexion que Tressan donne au récit <strong>de</strong> Paulmy, et il n’hésite<br />

pas à qualifier la secon<strong>de</strong> miniature <strong>de</strong> « caricature en langage <strong>de</strong> petit maître, assez amusante,<br />

certes, mais qui dénature complètement la version originale » 247 .<br />

C’est un point <strong>de</strong> vue que l’on peut comprendre, surtout si l’on considère que la « version<br />

originale » est la miniature <strong>de</strong> Paulmy (ou même l’édition <strong>de</strong> 1530) et que la fidélité à cette<br />

version est un critère <strong>de</strong> valeur déterminant. Mais il n’est pas moins certain que le texte <strong>de</strong><br />

Tressan, pour un lecteur non averti, se lit beaucoup plus facilement et beaucoup plus<br />

agréablement. Comparant Lacurne <strong>de</strong> Sainte Palaye et Tressan, Sainte-Beuve interdit qu’on<br />

les mette « sur la même ligne », le premier ayant fait « <strong>de</strong>s travaux immenses », tandis que le<br />

second « n’en a fait que <strong>de</strong> fort légers ». Mais Joseph Bédier, citant cette phrase <strong>de</strong> Sainte-<br />

Beuve, se montre plus pondéré à l’égard du comte <strong>de</strong> Tressan :<br />

247 POIRIER, La Bibliothèque Universelle <strong>de</strong>s Romans. Rédacteurs, Textes, Public, p. 80.<br />

146

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!