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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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les strophes <strong>de</strong> son chant. Dans <strong>de</strong>s tonalités assez différentes, les <strong>de</strong>ux jeunes gens accè<strong>de</strong>nt<br />

donc à une forme <strong>de</strong> maturité affective qui leur permettra <strong>de</strong> revenir sur les lieux <strong>de</strong> leur<br />

premier échec pour tenter l’épreuve une secon<strong>de</strong> fois.<br />

Ainsi Walther triomphe-t-il finalement lors du concours <strong>de</strong> chant, ouvrant à l’art (allemand) la<br />

voie d’une régénération ; ainsi Parsifal parvient-il à guérir la blessure d’Amfortas et à rédimer<br />

le mon<strong>de</strong> du graal. Dans les <strong>de</strong>ux cas, l’être d’instinct, après une rapi<strong>de</strong> maturation, se pose en<br />

restaurateur d’un ordre compromis.<br />

La différence la plus nette entre les <strong>de</strong>ux parcours semble être que Walther produit une forme<br />

<strong>de</strong> régénération purement artistique, tandis que Parsifal est un ré<strong>de</strong>mpteur au sens religieux du<br />

terme. Mais cette première impression ne saurait résister face à l’interpénétration <strong>de</strong>s sphères<br />

artistique et sociale qui apparaît déjà <strong>de</strong> façon manifeste dans le monologue <strong>de</strong> Sachs sur<br />

lequel s’achèvent les Maîtres Chanteurs, qui fait du « saint art allemand » la sauvegar<strong>de</strong><br />

spirituelle d’un état menacé <strong>de</strong> désagrégation.<br />

Et surtout, la perspective encore plus synthétique <strong>de</strong> la Kunstreligion affirme fortement le lien<br />

entre la ré<strong>de</strong>mption « religieuse » qu’incarne Parsifal et une ré<strong>de</strong>mption artistique qui en est<br />

indissociable. J’évoquais précé<strong>de</strong>mment l’idée que le public <strong>de</strong>vait recevoir Parsifal comme<br />

Parsifal reçoit le baiser <strong>de</strong> Kundry – comme une pleine révélation par l’émoi <strong>de</strong>s sens <strong>de</strong> ce<br />

qu’un discours rationnel ou dogmatique ne saurait révéler que <strong>de</strong> façon partielle.<br />

Ainsi, il apparaît clairement que Parsifal contient bel et bien un art poétique, et se présente<br />

comme la mise en abyme <strong>de</strong> la <strong>quête</strong> artistique aboutie. Walther l’artiste et Parsifal le prêtre<br />

se fon<strong>de</strong>nt dans l’image du <strong>de</strong>rnier Wagner, produisant avec son Bühnenweihfestspiel l’œuvre<br />

d’art ré<strong>de</strong>mptrice qui est le sommet <strong>de</strong> sa <strong>quête</strong> artistique.<br />

2. Quête du graal et Recherche du temps perdu<br />

Si l’on en croit Jean-Jacques Nattiez, cette dimension ré<strong>de</strong>mptrice <strong>de</strong> l’œuvre d’art est un <strong>de</strong>s<br />

éléments principaux qui contribuent à rapprocher Parsifal d’une œuvre qui, selon lui, repose<br />

sur un idéal artistique similaire : A la Recherche du temps perdu. « Car ces <strong>de</strong>ux œuvres <strong>de</strong><br />

Wagner et <strong>de</strong> Proust ne se contentent pas <strong>de</strong> raconter une <strong>quête</strong>, elles se veulent porteuses<br />

d’un message salvateur » 874 .<br />

874 JEAN-JACQUES NATTIEZ, Proust musicien, <strong>Paris</strong>: Christian Bourgois, 1984, p. 68.<br />

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